Le repentir nécessaire au sacrement de la réconciliation.
… selon le Père Nikon Vorobiev
Je vous ai déjà parlé de l’higoumène Nikon Vorobiev, né en 1894 et mort en 1963. Devenu moine à 38 ans, et prêtre à 39, il passe quatre ans dans un camp de concentration, puis sert comme homme à tout faire dans une famille de médecins. Nommé recteur de l’église de l’Annonciation à Kozelsk, puis déplacé dans différentes paroisses au cours de l’année 1948, il finira sa vie dans une minuscule paroisse de campagne, à Gjatsk. C’est là qu’il exerce sa fonction de père spirituel auprès de nombreux visiteurs et correspondants. Son enseignement est centré sur la pénitence.
Le Père Nikon est sans illusion sur la nature humaine. Pouvait-il en être autrement alors qu’il a été surveillé toute sa vie par le régime communiste ? Pourrait-il en être autrement aujourd’hui alors que nous voyons la plus haute autorité de l’Etat contrainte à un « plan Marshall » contre la pornographie qui menace les enfants et les adolescents ? Le journal « le Figaro » révélait récemment qu’un adolescent sur deux regarde des sites pornographiques.
Pour donner une idée de la correspondance du Père, je transcris une de ses lettres : « Que la paix soit avec vous. Vous vous étonnez encore que beaucoup de “mauvais“ se manifeste dans votre cœur à telle ou telle occasion. Mais moi, j’ai toujours dit à tous qu’en nous se cachent toutes les passions et tous les péchés, qui ne se manifestent qu’à la faveur de telle ou telle circonstance. […] Vous non plus, ne vous étonnez pas de vos chutes, acceptez-les humblement et répétez comme le publicain : “ô Dieu, sois miséricordieux envers moi, pécheur !“ Chacun pense : “Cette prière n’est pas pour moi“, alors que les Saint Pères [de l’Eglise] ont dit qu’aucune prière n’était entendue par Dieu si elle n’était pas dite dans la disposition d’esprit du publicain. » (Lettres spirituelles, éd. de L’âge d’homme, 2015, p. 178)
Dans mon enfance, se confesser régulièrement était de mise. Le Père Nikon en donne la raison : « Il faut se désoler amèrement, se repentir au moindre écart, car toute mauvaise action, si minime soit-elle, qui n’a pas fait l’objet d’une repentance, conduit fatalement à une action plus grave. » (Lettres spirituelles, ibidem, p. 10) Le curé d’Ars avait demandé au Seigneur, paraît-il, de lui montrer son péché. A quoi le Seigneur lui aurait répondu que s’Il lui montrait, il mourrait d’horreur. Le Père Nikon, en homme véritablement spirituel, savait cela. Il écrivait : « Notre état de corruption est infiniment plus grand que ne l’imaginent non seulement les laïcs, mais également les personnes soi-disant spirituelles. » (Lettres spirituelles, ibidem, p. 11) Cette situation de fait ne rendait pas le Père Nikon « scrupuleux ». Elle le rendait plutôt lucide, de telle sorte que, selon lui, « Il faut sans cesse, jusqu’à la mort, se reconnaître les débiteurs insolvables de Dieu et demander Sa grâce. » (Lettres spirituelles, ibidem, p. 11)
selon Jean le Baptiste
L’Evangile de Marc s’ouvre sur le baptême de Jean appelant à la repentance : « Il proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés. » (Mc. 1, 4) La question est de savoir pourquoi cet appel au repentir, lancé pour la venue du Messie il y a 2000 ans, est rappelé en cette période préparatoire à Noël ?
Le repentir prêché par Jean…
… était prophétique
Le baptême de Jean était « prophétique ». Il orientait les cœurs vers une promesse qui n’était plus attendue, à savoir, la venue du Messie.
… reste prophétique et actuel
Jésus et Ses disciples reprennent cet appel au repentir, comme si la venue du Messie ne dépendait pas tant du Messie qui était venu que de l’homme.
- Jean Baptiste demandait la confession des péchés et le repentir et les auditeurs les plus zélés de Jean confessent leurs péchés, se font baptiser et demandent : « Que nous faut-il faire ? » (Lc. 3, 10)
- De même, les auditeurs de la grande prédication de Pierre, au jour de la Pentecôte, demanderont : « Que devons-nous faire ? » (Ac. 2, 37) Pierre leur répond qu’il leur faut se repentir mais il ajoute qu’il faut se faire baptiser « au nom de Jésus Christ pour la rémission des péchés ». (Ac. 2, 38)
La nature du repentir nécessaire au sacrement de la réconciliation
… des actes
Le « repentir » que demande le Baptiste n’est pas simplement une « conversion » brutale, émotionnelle à l’appel d’un personnage convaincant, mais il doit se traduire par des actes. Jean le Baptiste est en colère quand les foules s’approchent de son baptême sans vouloir en produire les fruits : « Engeance de vipères, qui vous a suggéré d’échapper à la Colère prochaine ? Produisez donc des fruits dignes de repentir. » (Lc. 3, 7-8)
… un accueil du Christ
Les disciples auront les mêmes exigences.
- La mouvance « évangélique » fera de cet appel au repentir un mouvement du cœur qui, magiquement, sauve, interprétant littéralement la phrase de S. Paul : « Si tes lèvres confessent que Jésus est Seigneur et si ton cœur croit que Dieu L’a ressuscité des morts, tu seras sauvé. » (Rm. 10, 9) Ainsi, me promenant avec un Américain dans les rues d’une ville de la Bible belt – « La ceinture de la Bible » est une région très protestante et où la Bible est lue largement – il demandait à tout bout de champ : « Es-tu sauvé ? » Si son interlocuteur répondait par la négative, il ajoutait : « Crois dans ton cœur que Jésus est Sauveur, et tu seras sauvé. »
… un changement réel
- C’était touchant, mais naïf et insuffisant : « Le Seigneur, au début de sa prédication, n’a pas seulement intimé aux hommes qu’ils devaient se repentir, mais aussi qu’ils devaient faire pénitence…» (S. Thomas, Somme, III. Q.68 a.4 rép.)
… un mode de vie nouveau
- L’appel à la conversion, plus encore qu’un repentir d’une vie passée et des actes moralement justes, est un mode de vie nouveau qui fait rechercher les « choses d’en haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu, […] non à celles de la terre. » (Col. 3, 1-2)
On comprend mieux dès lors que cet évangile du Baptiste soit proposé en ce temps de l’Avent.
- Il s’agit d’une part de faire un examen de conscience sur ses actes.
- Il s’agit d’autre part d’examiner notre relation au Christ: Ne sommes-nous pas « ressuscités avec le Christ » ? Notre vie n’est-elle pas « désormais cachée avec le Christ ? (Col. 3, 1.3) Le Christ n’est-il pas notre « vie » ? « Quand le Christ sera manifesté, Lui qui est notre vie, alors, vous aussi, vous serez manifestés avec Lui, pleins de gloire. » (Col. 3, 4)
Conclusion : Le repentir nécessaire au sacrement de la réconciliation…
… nécessite l’aveu s’il est possible
Monseigneur Daucourt, prêchant une retraite de l’Avent aux prêtres et diacres du diocèse de Beauvais, le 4 décembre dernier, évoquait une personne handicapée désireuse de se confesser. Ce sacrement avait été refusé par un prêtre au motif que cet handicapé ne pouvait pas s’accuser de ses péchés. Comme accompagnateur des handicapés de l’Arche, l’évêque confesse des handicapés qui souvent ne disent rien, pensent à autre chose alors qu’il leur parle, mais quelquefois se penchent sur son étole et le regardent dans les yeux. L’évêque estime que le pardon de Dieu est au-delà des paroles, des aveux. Le Christ ne dit-Il pas à la croix, avant un quelconque aveu de la part des hommes : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » ? (Lc. 23, 34) Le Christ veut rencontrer Ses enfants, leur faire miséricorde, leur donner Son cœur, même s’ils sont incapables de s’examiner.
… nécessite l’aveu selon ses capacités
Il en est ainsi du repentir de tout humain. Il est imparfait en raison de nos limites. Ainsi, une Sœur de N.D., religieuse novice, disait être incapable, alors qu’elle entrait au confessionnal, de se souvenir de son examen de conscience.
… nécessite l’aveu de ses fautes
Il faut se repentir « au moindre écart », dit l’Archimandrite Nikon avec raison. Il est donc bon de confesser :
- Nos péchés véniels. Nos péchés dits « véniels » sont importants. Le Catéchisme de l’Eglise Catholique nous dit que le péché véniel est une « affection désordonnée pour des biens créés ». (n° 1863) Ainsi, on souhaitera se détendre devant la télévision plutôt que de prier, etc…
- A fortiori nos péchés « mortels »: meurtre, adultère, vol, faux témoignage, mépris des parents, des devoirs envers Dieu, etc.
… l’attitude du cœur
Mais plus encore que l’aveu, l’attitude du cœur compte avant tout. « Chacun pense que la prière du publicain : “ô Dieu, sois miséricordieux envers moi, pécheur !“ n’est pas pour lui », dit le Père Nikon. Or le Seigneur voit l’humilité du cœur, nous dit l’Ecriture : elle mérite le pardon, alors que l’arrogance ne la mérite pas. C’est pourquoi le Baptiste exige l’aveu de ceux qui viennent à lui. Il permet de rencontrer le Christ. C’est la raison de cet appel au « repentir » dans les semaines qui précèdent Noël. Se repentir, examiner nos actes, sonder notre relation au Christ, permettra de l’accueillir à Noël.
Prions : Seigneur, en ce temps de l’Avent, donne-nous de venir à Toi comme le publicain. Amen. »
Oraison jaculatoire : « Je pleure, je serai consolé. » (Lc. 6, 21)
Question : Qu’est-ce qu’une « bonne » confession, selon vous ? Pourquoi se confesser est-il difficile pour beaucoup ?
Suggestion : Se répéter souvent : « Seigneur Jésus, Fils de Dieu, prends pitié de moi, pécheur ! »
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