La spiritualité du désir selon saint Jean

Retraite de carême : 5° jour, 2° entretien

Résumé : La spiritualité du désir selon saint Jean. 4 textes de saint Jean vont l’illustrer : la rencontre avec Nicodème; la rencontre avec la Samaritaine; la guérison du paralytique; le discours de pain de vie.

Nous continuons notre retraite. La spiritualité du désir selon saint Jean. Jésus veut mon désir. Jésus veut m’amener au niveau du désir et me rencontrer dans mon désir parce que dans ce désir profond qui est au cœur de tout être humain, il y a un désir de Dieu. Car le désir d’aimer et d’être aimé, est en réalité, le désir de Dieu. C’est un espace, parfois un vide immense à l’intérieur de nous où Dieu peut venir habiter. C’est la célèbre parole de saint Augustin : « Tu nous as fait pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose pas en toi ». Nous allons parcourir brièvement 4 textes de l’évangile de Jean, quatre rencontres de Jésus à travers lesquelles on voit que Jésus veut nous amener dans cette spiritualité du désir.

La spiritualité du désir selon saint Jean : la rencontre avec Nicodème

Dans le chapitre 3 de saint Jean : la rencontre avec Nicodème. Nicodème se situe dans une spiritualité du « devoir ». Nicodème est un homme de devoir. C’est un pharisien, un maître en Israël, parfait modèle juif qui accomplit tout ce qu’il doit faire. Il n’a aucun reproche à se faire. Mais il a quand même des besoins : besoin de comprendre, de savoir qu’est-ce que Jésus enseigne. Il aborde Jésus sur l’angle du « savoir ». Il va dire : « Rabbi, nous savons que tu viens de la part de Dieu ». Et le savoir, c’est toujours l’angle sous lequel les pharisiens utilisent. Vous vous souvenez peut-être dans le texte de la guérison de l’aveugle-né, toutes les critiques qu’on va faire à l’aveugle, les pharisiens vont dire : « nous savons que cet homme (Jésus) est un pécheur. Nous savons que Dieu a parlé à Moïse tandis que lui, nous ne savons pas d’où il est ». Donc, Nicodème aborde Jésus sous l’angle du « savoir ». Et Jésus lui coupe tout de suite la parole, presque de manière irrespectueuse, il l’arrête tout de suite. Non, Nicodème, cela n’a rien à voir avec cela. Ce n’est pas un « savoir » dont tu as besoin : « Nul s’il ne naît de l’eau et de l’Esprit ne peut voir le Royaume de Dieu ». C’est complètement autre chose. Ce n’est pas à force de savoir. Ce n’est pas en cherchant à tout comprendre qu’on parvient au Royaume de Dieu. C’est un don d’en haut. « Ce qui est né de la chair est chair, dit Jésus, ce qui est né de l’Esprit est Esprit ». Et ici sous le mot « chair » cela inclue l’intelligence humaine, la raison humaine. Donc, entrer dans la spiritualité du désir implique de reconnaître que je ne peux pas me donner à moi-même ce que je désire. Je peux combler mes besoins mais je ne peux pas combler mon désir, je ne peux pas me donner ce que je désire. Et c’est beau dans les témoignages qu’on entend de la rencontre avec le Seigneur, c’est toujours cela. Les gens témoignent qu’ils ont rencontré Jésus. Il s’est passé quelque chose qui est venu d’en haut. Ce n’est pas au bout de leurs efforts qu’ils ont fait la rencontre avec Jésus. C’est un don gratuit. Ils ont senti la présence de Dieu, une chaleur, un amour, etc… Il y a quelque chose qui a été un don de Dieu.

Pourquoi parler de spiritualité du désir si on ne peut pas combler son désir par nous-mêmes?

Mais alors, si on ne peut pas se donner à nous-mêmes ce qu’on désire, qu’est-ce qu’on peut faire? Pourquoi parler de cette spiritualité du désir si on ne peut rien faire? En fait, il y a beaucoup de choses qu’on peut faire. On va en regarder trois choses à partir de trois passages d’évangile.

La spiritualité du désir selon saint Jean : la rencontre avec la Samaritaine

Premièrement, on peut creuser notre désir. C’est ce que Jésus fait avec la Samaritaine. On a déjà parlé de cette rencontre avec la Samaritaine sous l’angle des obstacles pour parvenir à la foi. Cette fois, nous regardons ce texte pour montrer comment Jésus amène cette femme à creuser son désir. D’abord, où se situe la Samaritaine? Elle ne se situe pas au niveau du « devoir » à accomplir. Les conventions sociales, elle n’a pas l’air d’être très bonne là-dedans. Dans l’ordre de la spiritualité des « besoins », elle semble être tiraillée par beaucoup de besoins. Et alors, Jésus vient à sa rencontre et il va se placer à son niveau. C’est beau! Donc, Jésus ne vient pas dans une spiritualité du « devoir » et dès le départ, il va manquer à son premier devoir : il aborde une femme Samaritaine. Socialement, cela ne se fait pas. On n’est pas supposé faire cela. Et la femme va lui dire d’ailleurs : « Comment se fait-il que toi, un juif, tu me parles à moi, une femme Samaritaine ». Jésus semble dire : moi aussi je suis un hors la loi. Moi aussi je ne respecte pas les conventions sociales, je suis comme toi. On est pareil. Au niveau des besoins, même chose. Jésus ne se présente pas comme une personne qui est comblée dans tous ses besoins. Mais au contraire, il lui dit : « Donne-moi à boire ». J’ai un besoin très concret, le même besoin que toi, c’est pour cela que nous sommes ici. Et même toi tu es avantagée, tu as un seau et moi j’en n’ai pas. Donc, j’ai besoin de toi. Et à partir de là, Jésus va faire creuser à la femme son désir. « Qu’est-ce que tu désires? » Désires-tu de l’eau du puits? Tu désires de l’eau vive? T’as un désir d’aimer et d’être aimée. Les besoins d’affection sont un désir. Il y a en toi un désir d’adoration véritable. Tu as soif, tu attends le Messie quand il viendra. Tu es en attente du Messie. Ta vie t’a amenée à découvrir que tu ne peux rien par toi-même. Que tu as besoin d’être sauvée. Et bien, cela tombe bien, moi qui te parle je suis le Messie que tu attends. Il y a une possibilité d’une rencontre parce que tu prends conscience que ton désir le plus profond que tu ne peux pas satisfaire par toi-même qui est l’attente d’un Sauveur, du Messie et moi je le suis. Vous voyez, rencontre possible avec Jésus au plus intime de son désir, au plus secret de son cœur. Donc, creuser son désir car c’est là que Dieu veut nous rencontrer.

La spiritualité du désir selon saint Jean : la guérison du paralytique

Deuxième chose qu’on peut faire : rallumer le désir, réveiller le désir. Au chapitre 5 de saint Jean, il y a la guérison du paralytique à la piscine de Bethzata. Et Jésus aborde ce paralytique qui est paralysé depuis 38 ans en lui posant une question : « Veux-tu guérir? » On pourrait dire que c’est une question plate car c’est sûr qu’il veut guérir. Non, non, non. Ce n’est pas si sûr. Et d’ailleurs il ne répond pas. Il ne répond ni oui ni non. Dans sa réponse, on sent que son désir de guérir est lui aussi paralysé. Après toutes ces années, tous ses efforts, tous ses espoirs déçus, il a étouffé son désir. Et pour ne plus souffrir, il a justifié : « De toute façon, il n’y a personne pour me jeter dans la piscine, de toute façon il y en a d’autres qui vont y aller avant moi ». Plein d’excuses qu’il se donne parce que c’est trop souffrant de prendre conscience que son désir ne pourra jamais être satisfait. Cela se peut que nous aussi on vive cela. Cela se peut que dans nos communautés chrétiennes, il y a des gens qui viennent à l’église depuis des années qui ont espéré que les choses changent, que la communauté revive, qu’il y ait des jeunes… et après toutes ces années, on préfère ne plus trop désirer parce que cela fait trop souffrir, on ne veut plus être déçu. Dans nos vies aussi cela peut être comme cela. Et toi? Jésus te pose la question aujourd’hui : « Toi, veux-tu guérir? » Réveille en toi ton désir! Ne l’endors pas. Ne désespère pas.

La spiritualité du désir selon saint Jean : le discours du Pain de vie

Troisième chose à faire : ne pas masquer mon désir, ne pas le cacher ou l’enfouir. Nous allons au chapitre 6 de l’évangile de saint Jean qui commence par un miracle : la multiplication des pains. Et ensuite Jésus traverse la mer de Galilée et les gens vont le rejoindre. Là, il y aura un grand discours sur le pain de vie. Jésus aborde les gens en disant : « Vous me cherchez non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé du pain et que vous avez été rassasiés. « Rassasiés » est un mot important qui se situe dans la ligne de la spiritualité des « besoins ». Cela est important car qu’est-ce qui se passe souvent dans notre vie? En nous, il y a au plus profond de nous-mêmes un désir. C’est un désir de Dieu. Et ce désir de Dieu, il se présente en nous comme un vide, il se fait sentir comme un vide. Et alors, quand il y a des moments dans notre vie où l’on sent ce vide intérieur, notre réflexe est de le remplir. De le cacher et de le masquer. Alors on va s’agiter : on va faire des activités, on va manger, boire, travailler, se divertir en ouvrant la télé. Plein d’efforts que l’on faits pour cacher ce vide intérieur parce que c’est trop souffrant. Jésus leur dit : « Ne travaillez pas, ne vous agitez pas pour la nourriture qui passe. Pour masquer ce vide et vouloir le cacher. Mais pour celle qui demeure en vie éternelle. Celle que vous donnera le Fils de l’Homme que vous ne pouvez pas vous donner à vous-mêmes mais que moi je peux vous donner. Moi je peux combler votre véritable faim ». Avec la Samaritaine, c’était la « soif », maintenant c’est la « faim ».

La rencontre du désir de l’homme avec le désir de Dieu

Et là Jésus va donner un enseignement extrêmement important et extrêmement bouleversant qu’il faut lire avec attention. Pour nous, c’est très difficile de lire ce texte-là. Parce que l’on connaît l’eucharistie. Et donc, quand on lit le discours sur le pain de vie alors on dit : Jésus parle de l’eucharistie et on le survole rapidement. Mais de toute façon, le pain de vie, c’est l’eucharistie. L’année passée, à pareille date à cause de la pandémie, on ne pouvait pas aller à l’église. On était obligé de célébrer le Corps et le Sang du Christ sans l’eucharistie. On doit y réfléchir car c’est seulement à partir du verset 51 que Jésus commence à dire que le pain qu’il va donner, c’est sa chair qu’il va donner en nourriture. Mais dans tous les versets précédents Jésus dit : « Je suis le pain de la vie ». Il est en train de parler de son identité divine. En disant cela, il n’est pas seulement en train de dire je suis celui qui peut combler votre faim, mais il dit : moi, dans mon être, je désire être en communion avec vous. Jésus exprime son désir de communion, son désir de se donner totalement. Je suis le pain. Et donc, si je suis le pain, mon désir est de me donner totalement à vous. Et à travers lui, c’est le désir du Père. Et là je ne veux pas vous scandaliser mais je crois que nous pouvons affirmer, et c’est très important, que Dieu a un désir. Dieu n’a pas de besoins. Il se satisfait parfaitement à lui-même, il n’a pas de besoins. Dieu n’a pas de devoirs. Il ne doit rien à personne, Dieu. Mais il a un désir. Et même on pourrait dire que Dieu n’est que désir. Il est tout entier désir de se donner tout entier à nous dans une parfaite communion d’amour. Qui sera magnifiquement exprimé dans l’eucharistie. Et souvent, on va peut-être recevoir l’eucharistie de manière machinale. On oublie que la communion exprime au plus haut point ce désir de Dieu de se donner totalement à nous et qu’il rejoigne notre désir à nous de recevoir Dieu et d’entrer à travers Jésus en communion profonde avec Dieu. Et donc le danger, c’est d’être « rassasiés ». Le danger, c’est de rechercher la nourriture qui passe. De masquer ce désir profond qui nous fait souffrir parce que c’est un vide intérieur en l’enfouissant sous une multitude de satisfactions sensibles. Nous ne pourrons jamais entrer en communion avec Dieu si nous cachons ou masquons notre désir.

Il se peut que nous ressentions avec douleur ce vide intérieur. N’ayons pas peur, prenons le temps d’y descendre et d’y découvrir Celui qui veux y habiter en plénitude : « Je suis le Pain de la Vie », dit Jésus. Jésus est là, laisse-le venir combler ton cœur.

SOURCE : CHAÎNE YOUTUBE NICOLAS TREMBLAY

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A propos Nicolas Tremblay 53 Articles
Nicolas Tremblay est prêtre dans le diocèse de Joliette.

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