L’identité du disciple de Jésus sur terre

Homélie pour la Solennité du Christ Roi - Mt 25,31-46

L'abbé Paradis, le prêtre itinérant, reconnaît le Christ dans les pauvres et les sans-abris

Introduction : L’identité ratée

…d’un futur prêtre

Quand j’étais jeune, je l’ai souvent dit, mon  « identité » était une chose importante, soulignée constamment par mes parents : Les « Lestrange » était une des familles les plus anciennes de France, c’était une famille « illustre » : en conséquence de quoi il fallait faire honneur à ce nom. Alors que je faisais part à mes parents de mon intention de devenir prêtre, j’avais 30 ans et deux essais infructueux derrière moi, mon père me dit : « Tu vas devenir un raté. » Le risque que je prenais pouvait échouer et cet échec pouvait ne pas faire honneur à mon nom.

…de Joseph Fadelle

Cette question de l’identité était aussi très importante pour la famille de Joseph Fadelle.  De son vrai nom, il s’appelle Mohammed al-Sayyid al-Moussaou, né en Irak dans une des plus grandes familles de l’aristocratie chiite de ce pays, descendant de l’imam Ali, cousin du Prophète. Sa conversion au christianisme ne fait pas honneur à son nom musulman. Tant et si bien qu’il est maintenant contraint de vivre en France comme  « un déraciné, un apatride, un clandestin. » 

…de Samuel Syniak

Cette question de l’identité était encore importante pour la famille de Jean Samuel Syniak, fils d’un pieux rabbin de la Pologne russe. Son père, fidèle aux enseignements du Talmud, s’efforçait de suivre à la lettre les commandements de la loi et de la Torah. L’éducation donnée reflétait cette rigueur : « Combien de fois mon père ne m’a-t-il pas puni pour avoir, inconsciemment ou non, laissé tomber à terre le petit bonnet que les Juifs doivent toujours porter ? J’étais également puni si les houppettes de mes vêtements étaient en désordre (cf. Nb. 15, 37 -39), ou si je n’avais pas renvoyé tout de suite un enfant étranger venu pour jouer avec moi. » Converti, Samuel reçoit cette lettre de sa mère : « J’ai reçu la nouvelle de ta mort. J’ai déchiré mes vêtements et mis des cendres sur ma tête. Le temps de mon deuil a commencé. » Suivaient toutes les malédictions énoncées dans les livres du Lévitique au chapitre 26 et du Deutéronome au  chapitre 28. La lettre se terminait par ces mots: « L’Eternel fera aussi venir sur toi toutes les maladies et toutes les plaies qui ne sont pas écrites dans le livre de cette loi, jusqu’à ce que tu sois détruit. » (Dt. 28, 61). Sa conversion ne faisait pas honneur à son nom juif.

…de Paul

Cette question de l’identité était importante pour Paul : «J’ai reçu la circoncision quand j’avais huit jours ; je suis de la race d’Israël, de la tribu de Benjamin, Hébreu fils d’Hébreux ; pour la Loi, j’étais un pharisien ; pour l’ardeur jalouse, j’étais un persécuteur de l’Eglise ; pour la justice que donne la Loi, j’étais irréprochable. Mais tous ces avantages que j’avais, je les ai considérés comme une perte à cause du Christ. Oui, je considère tout cela comme une perte à cause de ce bien qui dépasse tout : la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur. A cause de lui, j’ai tout perdu ; je considère tout comme des balayures, en vue d’un seul avantage, le Christ… » (Ph. 3,5-8) La conversion de Paul au christianisme lui a fait perdre l’honneur de sa race, de son rang, de sa « perfection », de son impeccabilité.

L’Evangile d’aujourd’hui pose, vous l’avez compris,  la question de notre identité : Quelle identité et quel honneur voulons-nous ? Quelle identité et quel honneur devons-nous chercher ?

1. L’identité de Jésus sur terre…

Dans le récit de la venue du Seigneur à la fin des temps que nous venons d’entendre, Jésus Lui-même donnera une identité aux hommes du monde entier : Ils seront « brebis » ou « chèvres » de par sa décision souveraine : « Il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des chèvres : il placera les brebis à sa droite, et les chèvres à sa gauche. » (Mt.25, 32)

Sur terre, Jésus a eu une identité qu’il décline :

  • «J’étais étranger et vous m’avez accueilli. » (Mt. 25, 35)
  • Ayant faim : « Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger, j’avais soif et vous m’avez donné à boire. » (Mt.25, 35)
  • Nu : « J’étais nu et vous m’avez vêtu. » (Mt.25, 36)
  • Malade : « J’étais malade et vous m’avez visité. » (Mt. 25,36)
  • Prisonnier : « J’étais en prison et vous êtes venus me voir. » (Mt. 25,36)

Toutes ces situations ne sont pas les siennes mais Jésus s’y identifie totalement. Il a connu pire :

  • Il a été considéré comme un « étranger » par les Juifs de Jérusalem. Il était « Jésus, le Galiléen. » (Mt.26, 69)
  • Il a eu faim pendant quarante jours : « Il jeûna pendant quarante jours et quarante nuits après quoi il eut faim. » (Mt. 4,1) Il a eu faim au cours de sa vie apostolique : « A leur sortie de Béthanie, il eut faim. » (Mc. 11,12)
  • Il a eu soif à la croix : « J’ai soif. » (Jn.19, 28)
  • Il a été nu à la croix. « Ils le crucifient et se partagent ses vêtements en tirant au sort ce qui reviendrait à chacun. » (Mc. 15,23)
  • Il été malade: « Homme de douleur, familier de la souffrance. » (Is. 53,3)
  • « Sans beauté, ni éclat […] sans apparence qui nous eût séduits. » (Is. 53,2)
  • « Méprisé, abandonné des hommes, » quelqu’un dont on ne fait « aucun cas. » (Is. 53,3)
  • « Maltraité. » (Is. 53,7)
  • Injustement jugé : « Par contrainte et jugement il a été saisi. » (Is. 53,8)
  • Oublié malgré l’atrocité de sa mort : « Parmi ses contemporains, qui s’est inquiété qu’il ait été retranché de la terre des vivants. » (Is. 53,8)
  • « Compté parmi les criminels. » (Is. 53,12)
  • Prisonnier dans la nuit du jeudi au vendredi saint, (cf. Mt. 27,1, Lc.22, 66).

2. L’identité du disciple sur terre…

L’identité du disciple sur terre peut-elle être différente de celle du Maître ? Il ne semble pas : « Le disciple n’est pas  au-dessus  de son maître. » (Mt. 10,24). Le disciple sera :

  • Haï : « Vous serez haïs de tous à cause de mon nom. » (Mt.10, 22)
  • Livré devant les autorités : «  [les hommes] vous livreront aux sanhédrins et vous flagelleront dans leurs synagogues, vous serez traduits devant des gouverneurs et des rois, à cause de moi. » (Mt. 10,17-18)
  • Trahi par sa famille et ses amis : « Vous serez livrés même par vos pères et mères, par vos frères, vos parents et vos amis. » (Lc. 21,16)
  • Mis à mort : « Ils feront condamner à mort plusieurs d’entre vous. » (Lc. 21,16) « On vous livrera aux tourments et on vous tuera ; vous serez haïs de toutes les nations à cause de mon nom. » (Mt. 24,9)
  • Nécessairement persécuté. « Oui, tous ceux qui veulent vivre avec piété dans le Christ, seront persécutés. » (2 Tm. 3,12)

L’expérience de l’abandon…

Néanmoins, un disciple vivant une telle difficulté, un Jésus vivant la trahison et la mort, pourra être abandonné par des soi-disant disciples :

  • Jésus est trahi non seulement par Judas, mais par Pierre qui prétend ne pas le connaître : « Je ne connais pas cet homme. » (Mt. 26,72)
  • Paul fait l’expérience de faux apôtres : « Ces gens-là sont de faux apôtres, des ouvriers trompeurs, qui se déguisent en apôtres du Christ. » (2 Co.11, 13), de « faux-frères» (2 Co. 11,26)

Conclusion : le disciple naît …

…de la foi

La foi seule voit le Christ dans l’homme de la croix. La foi seule voit dans les plus petits, le Christ Lui-même. Jésus fait même entendre que les actes de foi du disciple sont faits dans une certaine obscurité puisque ce n’est qu’au jour du jugement que la foi agissante verra qu’elle secourait le Christ Lui-même en ces pauvres mis sur son chemin.

…non de l’orgueil

A l’inverse, les petits peuvent être vus et jugés à la manière du monde, sans aucune foi : ils ne sont rien alors. Ils  sont mis à distance par une intelligence orgueilleuse et méprisante, comme ce pharisien disant : « Je ne suis pas […] comme ce publicain. »  (Lc.18, 11)

… non du moi suffisant

En fait, ces petits ne sont rien parce que le moi orgueilleux et suffisant, l’ego, est tout. Il est difficile à un riche (même s’il est pauvre matériellement) de « voir » le Christ dans les petits parce qu’il ne voit que son ego. « En vérité, je vous le dis, il sera difficile à un riche d’entrer dans le royaume des cieux. » (Mt. 19,23)

… d’un cœur brisé

« Deux amours ont bâti deux villes, dit S. Augustin, l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu a fait la cité terrestre, l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi, la cité terrestre. » (La Cité de Dieu § 14,28) Quelle identité bâtis-tu ? Celle de la cité terrestre qui veut glorifier son moi jusqu’à le faire roi ou celle de la cité céleste qui veut humilier son moi jusqu’à faire de Dieu son roi ? Celle de la cité terrestre qui veut admirer son moi ou celle de la cité céleste qui veut admirer Dieu ?

 

Prions : « Seigneur, tu veux pour chacun de nous une vraie identité de disciple et non une identité d’apparence. Augmente en nous la foi pour te voir dans les plus petits. Amen. »

Oraison jaculatoire : « Je veux être là où Tu es, chez les plus petits. »

Question : Quelle est l’identité du disciple de Jésus sur terre ?

Suggestion : Choisir plus particulièrement cette semaine d’être attentif aux plus petits.

 

Dimanche 20 novembre 2011      

Ajout du webmestre, une entrevue de l’abbé Paradis: 

 

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A propos Geoffroy de Lestrange 75 Articles
Le père de Lestrange, curé dans le monde rural, a fait ses études supérieures aux États-Unis. Il y a découvert le Renouveau charismatique catholique ainsi que les églises évangéliques. Bénédictin, puis profès simple chez les frères de Saint-Jean, il a découvert par ces contacts divers, l'importance de la prière pour une nouvelle Pentecôte dans l'Église, souhaitée par tant de papes.

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