Conversion d’un fondateur de startup

Résumé : Conversion d’un fondateur de startup de haute technologie. Éric Bergeron nous partage les hauts et les bas de son parcours de foi chrétienne.

  • Dans l’imaginaire collectif, l’entrepreneur techno d’une startup à capital de risque qui souvent est présenté comme un demi dieu. Il roule dans une grosse voiture, il mange dans les meilleures adresses de la ville, il attire tout le monde à lui…. Si on ne connaissait pas un peu son histoire, on pourrait croire que Éric Bergeron, fondateur de l’entreprise de haute technologie : Flyscan est ce type d’entrepreneur. Mais, quand on parcourt son récit, on voit bien que cela n’a rien du conte de fée version hightech. Éric est avec nous pour partager son parcours de vie. Salut Éric. Es-tu d’accord avec cette présentation?

Oui, c’est un peu un cliché car plusieurs entrepreneurs sont comme cela et moi-même j’ai été comme cela au début de ma carrière. J’étais un peu arrogant ou « flasheux » mais quand la vie te garroche des tonnes de briques sur la tête, cela épure le superficiel. On se débarrasse des couches d’affaires inutiles et la vérité ressort.

Conversion d’un fondateur de startup : le début d’un parcours de foi

  • Je suis tenté de plonger dans ces années plus anciennes de ton parcours afin de voir les premières semences qui ont été semées dans ta vie de foi. Je pense que cela a commencé au petit séminaire?

Même avant cela. Je viens d’une famille qui comme bien d’autres ont lâché la foi dans les années 70. Mes parents ont quitté l’Église et nous aussi. Mais moi lors de ma première communion ( on parlait tout à l’heure de l’hormone au début d’une relation qui fait qu’on ressent des papillons) je me rappelle que le jour de ma première communion j’avais ce feeling-là : j’étais sur un nuage, j’étais comme en amour, physiquement fort. C’était toujours en moi. C’est tombé dormant à l’adolescence. Puis ma vie était comme à la dérive. Ma vie était plate. Je ne faisais qu’exister. Je n’avais pas de bons amis, je n’avais pas de défis, je n’étais pas bon à l’école. Alors que j’étais bon au primaire. J’avais pris mon mur. Ma vie était très fade. Puis quand j’ai changé d’école, je suis allé au petit séminaire de Québec. Là, il y avait un animateur de pastorale, l’abbé Bélanger qui a dit : « Mettez Jésus Christ dans votre vie et vous allez réussir votre vie ». Cela a tombé en moi comme une graine. J’ai alors levé la main et j’ai dit : « Peux-tu revenir dans ma vie svp »? Il n’est jamais ressorti après cela.

  • Mais cela n’a pas fait de ta vie un long fleuve tranquille d’avoir Jésus dans ta vie?

Non, cela m’a permis de ne pas mourir noyé dans le fleuve avec des boulets accrochés aux pieds.

  • Alors tu es au secondaire, tu redécouvres la foi avec cet animateur de pastorale, l’abbé Denis Bélanger qui te fait une interpellation forte et que tu vas porter jusqu’à aujourd’hui. Tu deviens un jeune adulte. Qu’est-ce qui fait que tu vas te lancer dans le monde des hautes technologies?

J’avais toujours rêvé d’être en affaires et d’être mon propre patron. Comme je le disais : je n’ai pas de problème avec l’autorité tant que c’est moi l’autorité. Donc j’aime l’autonomie et décider. Après avoir travaillé dans de grandes entreprises, des moyennes entreprises et des startups américaines, j’ai découvert que plus j’allais dans un milieu libre et rapide, plus j’étais heureux. Donc, c’est là que j’ai dit que c’est le temps de démarrer mon entreprise. À la fin de 2003, j’ai commencé ma première entreprise. Puis, parce que j’étais naïf et arrogant car je pensais que dans 5 ans je vais la vendre et devenir multimillionnaire et je vais acheter mon Aston Martin et je vais en repartir une autre après.

  • Tu sais comment cela marche quand on monte une entreprise en haute technologie. On va cogner à des portes et on dit : j’ai besoin de 10 millions pour cela, 12 millions pour cela et finalement on se monte un portefeuille

Je l’ai fait deux fois. Ce n’est pas facile. Justement, le mythe est que le repreneur fait un plan d’affaire et les millions tombent dessus. C’est très difficile. Deux fois dans ma carrière, j’ai été pendant 18 mois sans salaire avec une famille à faire vivre. Donc, ce que j’ai fait, c’est un plan d’affaire, une feuille blanche et je suis allé voir des investisseurs. Voici mon plan. Voici ce que je veux faire. Voici la technologie. Voici le marché. Ça me prend 5 millions, embarquez-vous?

  • Et là, s’il y embarque, la pression doit commencer à augmenter?

Dès que tu as un dollar de quelqu’un d’autre, tu travailles pour quelqu’un d’autre. Tu décides mais tu n’es plus le maître à bord. Et le niveau de stress est très élevé.

  • Comment as-tu géré cela, Éric?

Le stress d’homme d’affaire normal (on parlait des hormones du stress tantôt) j’ai lu beaucoup là-dessus j’appelle mon programme : Faith and finess : la foi et le cardio. C’est ce qui m’a permis de rester sain d’esprit. C’est la méditation, la prière fréquente et l’exercice. À tous les jours que je peux, je fais du cardio et le cortisol s’élimine parce que l’hormone quand on a une réunion et qu’un investisseur te traite de deux de pique et qu’il te menace de te mettre à la porte, c’est les mêmes hormones que quand tu vois un tigre et tu ne peux pas y sauter dessus et tu ne peux pas te sauver en courant. C’est un requin de la finance et tu ne peux pas l’attaquer, tu ne peux pas te sauver en courant. Mais ces hormones restent en toi. Et quand tu ne brûles pas cela, ça dégénère en maladie cardiaque, en cancer c’est terrible. On parlait des Psaumes tantôt, il y a bien des réunions de conseil d’administration que je lisais le Psaume 23 : « Quand je traverse les vallées de la mort, tu es à mes côtés. Ton bâton me guide et me protège et me rassure ». Souvent, ce psaume m’est revenu dans la tête.

Conversion d’un fondateur de startup : les épreuves

Oui. J’ai eu plusieurs épreuves qui me sont tombé dessus. On parlait du stress, je me suis ramassé deux fois à l’urgence pour des problèmes cardiaques. J’ai eu un infarctus rénal causé par le stress sûrement. Ensuite en 2010, mon ex épouse s’est suicidée. Ce soir-là, je partais en voyage d’affaire à Istanbul et voilà que mes enfants me revoient revenir à la maison. Un de mes enfants dit : Oh, il revient avec sa valise. Il y a quelque chose qui s’est passé. La police m’avait appelé que mon ex (la mère de mes enfants) s’était suicidée. Mes enfants avaient 12 ans et 15 ans à l’époque et je devais leur annoncer. Je suis passé de garde partagée à garde à temps plein avec une compagnie à gérer, deux enfants blessés. J’ai appris l’importance des rites funéraires. Il faut les vivre, toucher les morts. Un de mes enfants a été hospitalisé…. Puis, la compagnie a manqué de faire faillite une fois, deux fois, trois fois. J’ai sorti deux fois toutes mes épargnes afin de sauver mon entreprise.

Conversion d’un fondateur de startup : qu’est-ce qui lui a permis de surmonter les épreuves?

  • Tu n’es pas tenté de perdre la foi dans ces moments-là? Voyons, Seigneur, tu m’as oublié…

Non. J’ai toujours pris la prière d’abandon de Charles de Foucauld qui m’a souvent aidé. On dit à Dieu : fais de moi ce que tu veux. J’accepte tout en autant que ce soit ta volonté. Quand tu dis cela (et j’ai eu souvent des témoignages des soldats au combat qui ont récité cette prière-là) cela a un grand pouvoir. Toutes les fois où j’ai été vraiment dans le trouble et que j’ai demandé de l’aide, je l’ai toujours eue. Le Saint Esprit pour te donner une petite poussée quand tu en as de besoin. Il est là. Il faut juste lever la main.

  • Une belle page de ton récit que tu as évoquée rapidement. Comment ton épouse Isabelle est arrivée dans ta vie?

Dieu a un bon sens de l’humour parce que quand j’ai été séparé de ma première épouse, je venais juste de financer ma première compagnie et alors j’étais le gars dans son auto sport qui va dans les beaux restaurants comme on le décrivait tout à l’heure. J’étais millionnaire sur papier… après deux mois, j’ai dit : Non. J’arrête tout cela car cela n’a pas de bon sens. Il faut que je m’occupe de mes garçons, j’ai une compagnie à gérer. Je ne sors plus pour au moins un an. Je ne vois pas de filles, je ne fais rien. Trois semaines après, j’avais une vieille Volvo dont la lumière était grillée et ce matin-là, il fallait que j’aille faire réparer la lumière. Je passe par un chemin que je ne prends jamais, j’arrive à une lumière rouge et j’attends là et qui est-ce qui passe devant moi? Isabelle qui est maintenant mon épouse que je n’avais pas vue depuis 12 ans. Je ne savais pas où elle habitait. Alors j’appelle chez ses parents et laisse mon numéro. Isabelle me rappelle trois jours après. On est allé souper ensemble et boum! Six ans après nous étions mariés.

Conversion d’un fondateur de startup : son témoignage

  • Dans le milieu entrepreneurial, est-ce courant que des entrepreneurs affichent leur foi?

Il n’y en a pas beaucoup qui ose le faire mais quand un le dit, il y en a d’autres qui lèvent la main et disent moi aussi. Moi je suis entrepreneur en haute technologie, ingénieur et physicien. Tous des milieux qui sont traditionnellement peu croyants. Mais il y en a plus qu’on pense mais les gens n’osent pas le dire. Moi je ne témoigne pas de façon à faire du prosélytisme, mais je le dis. Admettons qu’on a un avion avec des senseurs, je vais le faire bénir par un prêtre. Il y a des employés qui me regardent bizarrement mais je m’en fous de ce qu’ils pensent de ma foi, c’est moi le boss. Je n’ai pas de représailles à subir.

  • Est-ce que c’est vrai que les protestants ont plus l’esprit du capitalisme que les catholiques?

Traditionnellement, oui parce que leur rapport à l’argent est différent de nous. Eux autres c’est : « Earn all you can, save all you can, give all you can ». Faire de l’argent, c’est bien mais il faut que tu partages et que épargnes pour ton futur. On parlait de la mort et les gens planifient leur retraite et leurs REER. Ils passent des années à planifier les quinze dernières années de leur vie mais il n’y a personne qui planifie les 24000 milliards d’années après. Quand je vois des hommes d’affaire qui travaillent comme des bœufs à 85 ans, tu vas mourir bientôt, pense donc à cela. Planifie un peu à ce qui vient après, cela dure pas mal plus longtemps.

Conversion d’un fondateur de startup: Science et foi est-ce compatible?

  • Éric Bergeron, tu es scientifique, le monde de l’argent, le monde de la foi, le monde de la science, c’est complètement incompatible tout cela…

Ce n’est pas incompatible. L’argent est outil comme Jésus le dit : Il ne faut pas que ce soit notre maître car cela devient une idolâtrie. Plus tu en sais dans la science, plus tu réalises que l’on ne peut pas avoir une œuvre sans artiste, on ne peut pas avoir de tableau sans peintre. On ne peut pas avoir une symphonie sans musicien. Quand tu regardes le tableau des éléments tu dis wow il y a une beauté et une logique là-dedans. La physique du début du Big Bang, c’est tellement bien fait, c’est une symphonie. Un peu de science éloigne de Dieu et beaucoup en rapproche. Il y en a qui vont dire que c’est de la bullshit mais moi que les naïfs, ce ne sont pas ceux qui croient en Dieu mais ceux qui croient que cela est arrivé tout seul. Par exemple, tu prends une chaudière de sable que tu brasses pendant 10000 ans et cela va devenir un semi-conducteur. Cela ne se peut pas. La vie qui apparaît par hasard en brassant un paquet de molécules, non pour moi, c’est cela qui est naïf.

 

SOURCE : On n’est pas du monde

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