Le repas, occasion de se nourrir de Dieu

Homélie pour le 1er dimanche de Carême - Année A - Mt 4, 1-11

Source image: Clip: Seigneur à qui irions-nous 4 Jésus est Dieu

Introduction : L’amour les uns des autres…

… à l’église, vu par Mgr. Daucourt

Chers amis,

Pourquoi cette insistance à « s’’inviter les uns les autres », ces dernières semaines, dans notre paroisse de Ressons ? Je voudrais, en ce premier dimanche de Carême, y répondre par la bouche d’un évêque. On l’interroge sur l’Église évangélique avec laquelle il doit, par mandat, dialoguer. « Le style évangélique peut-il à votre avis inspirer les Catholiques ? » demande le journaliste à Mgr Gérard Daucourt. Il répond : « Il y a chez les évangéliques de la ferveur et de la spontanéité qui peuvent apporter beaucoup. Prenez l’exemple de l’arrivée dans les églises. Chez les Catholiques, il y a encore des églises où l’on peut débarquer sans que personne ne vous adresse la parole. On fait sa petite prière, on communie et on s’en va. Nous avons des choses à apprendre de ce point de vue, même si cela s’améliore. Il est bon que les assemblées catholiques sachent rassembler le plus grand monde. Ce ne sont pas les enfants qui font du bruit et qui courent dans une église qui me dérangent, ce sont plutôt les grandes personnes qui les regardent pendant que, moi, je parle. Il y a un courant du Catholicisme qui privilégie le silence sacré. Soit. Mais se dire bonjour, est-ce que ce n’est pas tout aussi sacré ? S’inviter au cours d’un repas, n’est-ce pas aussi sacré, permettant bien davantage d’échanger qu’un simple bonjour ?

… au Collège des Bernardins                       

Les Parisiens nous donnent l’exemple.  Une cinquantaine de cadres parisiens  sont invités au « Dîner du silence » au Collège des Bernardins. Ils partagent un repas méditatif avec huit Carmes. Ces cadres ne manquent pas de qualificatifs élogieux pour décrire cette expérience. Qui sont ces « cadres » ? Des « surbookés » qui ne viendraient pas facilement à l’Eglise. Tous ont été cooptés. Ils descendent dans le cellier, au sous-sol. Le directeur de recherche du Collège, un doigt sur les lèvres et les yeux baissés, les accueille. Cinq bénévoles veillent à tout. Fr. Christophe-Marie, prieur du couvent des Carmes à Paris, a accueilli volontiers la proposition d’être « des grands frères dans le silence ». Le repas s’ouvre sur une lecture, puis un intermède musical, puis encore une lecture, pour se terminer dans le silence. Ce soir-là, des tables de 4 écoutent l’hymne à la charité de S. Paul (1 Co. 13), puis un texte de Madeleine Delbrel sur le silence : « Le jour où il manque, c’est que nous n’avons pas su le prendre. » Le dessert est pris dans la nef, à l’étage supérieur. Tout de suite les échanges s’avèrent profonds et riches. Chacun s’écoute. Antoine, cadre financier venu pour la première fois, se sent « libre, sans être obligé d’avoir le premier et le dernier mot, comme c’est le cas lors des dîners en ville ». Valérie poursuit un échange avec un Carme rencontré au dîner précédent. Sylvie s’inscrit dans un monastère pour une retraite, ayant pris goût au « silence vécu collectivement ».

… vu par Jésus

Le premier commandement qui sort de la bouche de Dieu et dont Jésus vivra jusqu’à l’incarner par Sa mort sur la croix, c’est l’amour de Dieu et du prochain. « Maître, quel est le plus grand commandement de la Loi ? » Lui demande un Pharisien. Jésus lui répond : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. » (Mt. 22, 36-37) Comment incarner d’une manière simple ce précepte dans nos vies ? Comment lui donner corps ?

1. L’incarnation de l’amour du prochain…

… dans les évangiles synoptiques

Un lieu évident semble être le repas. La mère donne le sein à son enfant, aussitôt après sa naissance. La première tâche d’un père est d’assurer la subsistance de sa famille. Si les évangiles sont ponctués par des repas, ce n’est pas un hasard non plus :

  • La belle-mère de Pierre, guérie, se lève aussitôt et sert le repas. (Mt. 8, 15) Elle manifeste par là sa reconnaissance. Et nous, manifestons-nous notre reconnaissance à Dieu pour Ses dons, en servant à table ?
  • Jésus accepte un repas avec des publicains et des pécheurs, au grand dam des Pharisiens. (Mt. 9, 10-11) Il montre par là qu’Il est venu pour les pécheurs. Et nous, invitons-nous les solitaires, les malades, les exclus, des gens de mauvaise vie ?
  • Les Apôtres sont priés d’accepter l’hospitalité qui leur est offerte lors de leurs pérégrinations apostoliques. (Mt. 10, 9-13) Jésus leur enseigne à savoir accueillir l’hospitalité. Et nous, acceptons-nous d’être reçus ?
  • Après avoir enseigné les foules toute une journée, au soir, Jésus offre un repas à Ses auditeurs en multipliant les pains. (Mt. 14, 16-21) Une autre fois, la foule est restée trois jours à L’écouter, et Il multiplie encore les pains pour qu’ils ne défaillent pas en route. (Mt. 15, 32) Jésus montre l’importance de l’attention aux besoins fondamentaux. Et nous, y sommes-nous attentifs ?
  • Jésus ressuscité accepte de bénir un repas et Se fait reconnaître aux disciples d’Emmaüs alors qu’Il bénit le pain ! (Lc. 24, 30-31) Jésus rend la foi qui a sombré. Et nous, rendons-nous la foi aux hôtes que nous invitons à notre table ?

… dans l’Evangile de Jean

L’évangile de Jean est ponctué par sept signes au cours de repas :

  • Le changement d’eau en vin à Cana invite les disciples à croire. « Le troisième jour, il y eut des noces à Cana en Galilée, et la mère de Jésus y était. Jésus aussi fut invité à ces noces, ainsi que Ses disciples. » (Jn. 2, 1) « Tel fut le premier des signes de Jésus, dit l’Apôtre, […] et Ses disciples crurent en Lui. » (Jn. 2, 11)
  • La multiplication des pains de l’autre côté de la mer de Tibériade invite la foule à croire. « A la vue du signe qu’Il venait de faire, les gens disaient : “C’est vraiment Lui le prophète qui doit venir dans le monde. “ » (Jn. 6, 15)
  • Le repas de Béthanie invite les incrédules à croire. Les gens viennent « pas seulement pour Jésus, mais aussi pour voir Lazare qu’Il avait ressuscité d’entre les morts. » (Jn. 12, 9) Et nous, invitons-nous nos hôtes à croire par nos actes ?
  • Au repas de la dernière Cène Jésus dévoile son amour jusqu’au bout. Il invite les apôtres à s’aimer les uns les autres en devenant des serviteurs. Et nous, apprenons-nous l’amour les uns des autres au cours de nos repas ?
  • Le repas au soir de la résurrection institue le Sacrement du Pardon. Jésus donne à ses Apôtres le pouvoir de remettre les péchés : « Recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. » (Jn. 20, 22) Et nous, pardonnons-nous au cours de nos repas ?
  • Le repas au bord du Lac de Tibériade institue Pierre, comme tête de l’Eglise. Jésus donne à Pierre la charge de faire paître le troupeau : « Pais mes agneaux, […] Pais Mes brebis, […] Pais mes brebis. » (Jn. 21, 15-17) Et nous, paissons-nous le troupeau, au cours de nos repas ? Nos hôtes sont-ils heureux, détendus ?

… dans les Actes des apôtres

Dans les actes des Apôtres, il est dit que les premiers Chrétiens « rompaient le pain dans leurs maisons, prenant leur nourriture avec allégresse et simplicité de cœur. » (Ac. 2, 46) Est-ce que cette atmosphère prévaut dans nos repas ?

2. Rechercher la gloire de Dieu en tout…

« Soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez, et quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu », (1 Co. 10, 31) dira S. Paul. En effet, pour Paul, la vie chrétienne ne consiste pas en des questions de nourriture et de boisson : « Car le règne de Dieu n’est pas affaire de nourriture ou de boisson, il est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint. » (Rm. 14, 17) Néanmoins, le repas, à l’évidence, est un moyen d’échanger en profondeur, d’élever les cœurs à Dieu si on le Lui demande…

  • Après avoir reçu un paroissien dimanche à déjeuner, il m’écrivait : « Merci de l’échange, mon frère. La discussion est passée vite. »
  • Au cours d’un repas dans une communauté, la discussion était un peu superficielle. Je priais intérieurement en demandant au Seigneur que ce repas nous rapproche de Lui. Tout à coup, la discussion prenait un autre tour et nous parlions des « oraisons jaculatoires » – courtes formules de prière que l’on connaît par cœur – habituelles aux uns et aux autres.
  • Une paroissienne, lors d’un Noël, est effarée : au cours du repas des lectures pornographiques, offertes comme cadeaux, sont lues. Elle se lève de table, va prendre son manteau pour sortir, se ravise, sort de son manteau un conte. Elle demande à la maîtresse de maison, cachée dans la cuisine, si elle peut le lire. Elle a le feu vert. Le sujet en est : « L’oubli de Jésus, lors de Son anniversaire ». Chacun écoute, subjugué par la beauté du texte. Un malade du cancer, assis dans un coin, oublié lui aussi, dont l’anniversaire devait être célébré quelques jours après, est pris en charge par toute la famille ! La famille a su transposer le conte dans sa propre histoire familiale. Quel miracle ! Il faut dire que cette paroissienne avait crié intérieurement, avec force : « Jésus, Marie, Joseph, au secours ! » 

Conclusion : Manger la Parole de Dieu pendant nos repas…

Eve « mange » un mauvais fruit, celui de la connaissance du bien et du mal. (Gn. 3, 5) Jésus « mange » la parole « qui sort de la bouche de Dieu ». (Mt. 4, 4) C’est ce pain-là que nous souhaitons manger pendant ce temps de Carême. Nous voulons le partager aussi avec d’autres et quel moyen plus simple, plus naturel, qu’un repas ? C’est la raison de cette insistance, un peu lourde, de votre Pasteur, sur la proposition faite à « s’inviter les uns les autres ». Près de 100 d’entre vous sont déjà sur les rangs !  

Prions : « Seigneur, Tu nous a créés corps et âme. Puisse notre âme élever notre corps alors qu’il satisfait à ses besoins les plus élémentaires.  Amen. »

Suggestions : Prier pour me prêter aux pensées que Dieu veut m’inspirer pendant mes repas. Bénir la table.

Oraison jaculatoire : « Viens, Esprit Saint et ouvre mon intelligence à Tes inspirations. »

Questions : Comment vivez-vous vos repas ?

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A propos Geoffroy de Lestrange 75 Articles
Le père de Lestrange, curé dans le monde rural, a fait ses études supérieures aux États-Unis. Il y a découvert le Renouveau charismatique catholique ainsi que les églises évangéliques. Bénédictin, puis profès simple chez les frères de Saint-Jean, il a découvert par ces contacts divers, l'importance de la prière pour une nouvelle Pentecôte dans l'Église, souhaitée par tant de papes.

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