Le toucher de la foi

Chapitre extrait du livre "Le toucher de la foi" du Père Geoffroy de Lestrange

touche de la foi soeur Briege
Soeur Briege rencontre le pape François en 2015

« Actuellement, dit Sœur Briege, il y en a beaucoup qui pensent : ‘Si seulement je pouvais toucher Jésus ! (…) Il y a plus de vingt-cinq ans, dans un petit pays de montagne, au Pérou, j’assistais à une messe au milieu d’une grande foule. J’avais remarqué un petit enfant dont le visage était affreusement déformé. A la fin de la Messe, sa mère accourut vers moi, l’enfant dans les bras. Le visage de l’enfant était devenu normal. Mais je fus bien la seule à être stupéfaite. Le prêtre, en effet, réussissait à fixer l’attention des fidèles sur un Jésus vivant. C’était cela, leur Eucharistie : Pour eux, c’était une expérience vitale avec Jésus. »       

Maître Thich Nhat Hanh, un bouddhiste, saisissant avec clarté la différence entre le christianisme et le bouddhisme, dit que le chrétien, s’il est chrétien, doit pratiquer ce toucher, « le toucher de Dieu le Père » dans sa vie quotidienne. Ce toucher n’est pas conceptuel, n’est pas même une image. Il s’agit de « toucher Dieu en tant que réalité et non en tant que concept. » Le chrétien, écrit-il encore « établit une relation interpersonnelle avec Dieu » et il ajoute : « à partir du moment où Dieu cesse d’être une personne, vous ne pouvez plus continuer ainsi. Il faut trouver un moyen, de façon à établir votre relation avec Dieu. » (http://www.villagedespruniers.org/)

N’est-ce pas ce que réalise notre lépreux de l’Évangile ? Il a trouvé le moyen d’établir une relation avec Dieu en son Messie. Si notre lépreux ne « touche » pas Jésus parce que cela lui était interdit, il fait déjà beaucoup en ayant l’audace d’aller à sa rencontre, en le suppliant, et en tombant à genoux devant lui (cf. Mc.1, 40), tous ces gestes de proximité lui étant interdits.

Jésus rencontrera souvent ces immenses détresses bravant des interdits ou des obstacles apparemment insurmontables :

  • la femme en état d’impureté, à cause d’une hémorragie, qui a l’audace de toucher la frange de son manteau (cf. Mc.5, 31),
  • la syrophénicienne, une étrangère, « païenne », qui Le supplie pour son enfant possédé en se jetant à Ses pieds (cf. Mc.7, 25-27),
  • la foule qui se rue sur Jésus au point que ni ses disciples ni Lui-même ne peuvent prendre le temps de se nourrir (Mc.3, 20).

Le pape François reproduit le geste d’amour du maître

Jésus ne repoussera jamais ces tentatives de Le rencontrer. Il s’approchera même de ces détresses en les « touchant », comme pour vouloir réduire toute distance entre Lui et ses interlocuteurs :

  • C’est le cas de ce lépreux : « pris de pitié devant cet homme, Jésus étendit la main, le toucha » (Mc.1, 4).
  • C’est le cas des deux aveugles de Jéricho : « Pris de pitié, Jésus leur toucha les yeux et aussitôt ils recouvrèrent la vue » (Mt. 20, 34).
  • C’est le cas d’un sourd-bègue : « Il lui mit ses doigts dans les oreilles et avec sa salive lui toucha la langue» (Mc.7, 33).
  • C’est le cas d’une mère en deuil de son fils : « Puis, s’approchant , Il toucha le cercueil… (et) dit : ‘jeune homme, Je te l’ordonne, lève-toi’ » (Lc.7, 14).
  • C’est le cas de petits enfants: « Il les embrassa et les bénit en leur imposant les mains » (Mc.10, 16).

Que signifie le toucher de Jésus ? Le toucher de Jésus signifie qu’Il veut :

  • Nous rencontrer personnellement. Il indique que sa compassion n’est pas une compassion « en général » mais qu’elle s’émeut de telle détresse. Le toucher est toujours « singulier »: « le sens, faculté corporelle, a pour objet de connaissance le singulier » (S. Thomas, Somme I.II Q.2 a.6, rép). Jésus ne vient pas sauver en général mais Il vient sauver Thomas, Jacques, Philippe de telle situation.
  • Nous exprimer son adhésion à notre humanité. « Le contact sensible exprime l’adhésion » (Marie-Dominique Philippe, o.p.). En touchant, Jésus dit : « Je suis avec toi dans ton humanité. »
  • Réduire la distance avec nous. On ne touche pas « à distance», on touche pour exprimer la communion avec celui qui souffre.
  • Nous rendre la vie. Son toucher sauve. La divinité de Jésus s’exprime au travers de sa sainte humanité. Ainsi, alors que Jésus prend la main de la petite fille de Jaïre qui est morte, Il lui dit de se lever et la ressuscite (cf. Mc.5, 41).
  • Nous recréer. Son toucher résume d’une façon très réaliste tout le mystère de la venue de Jésus sur terre. C’est tout le sens du miracle de l’aveugle-né chez S. Jean. Jésus fait de la boue avec sa salive pour montrer qu’Il recrée comme Dieu a créé Adam à partir de la glaise du sol.
Jésus guérit un aveugle-né

Devant ce « toucher » de Jésus, quel sera notre toucher ?

  • Certains voudront atteindre Jésus dans ce qu’il a de plus substantiel, dans sa divinité, comme cette femme hémorroïsse qui croit qu’il lui suffira de toucher la frange de son vêtement pour être guérie. Elle sait qu’en touchant cette frange, elle touche le Sauveur (cf. Mc.5, 28).
  • D’autres, comme le Centurion, n’auront pas même besoin d’un toucher physique. Jésus se propose de se rendre auprès du souffrant, et le Centurion suggère simplement une parole (cf. Mt. 8, 8).
  • Le lépreux aussi, dit à Jésus qu’Il n’a qu’à vouloir (cf. Mt. 8, 2).
  • D’autres voudront toucher Jésus, en touchant son Corps souffrant. « Dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à Moi que vous l’aurez fait» (Mt.25, 40).

Tous ces « touchers » sont des touchers de la foi. On peut vouloir toucher sans foi, comme Matthieu, au jour de la résurrection. Il cherche une évidence.  On peut toucher avec foi. Ce toucher ne touche pas pour être sûr, parce que le toucher de la foi est déjà une certitude.

Comment  croître dans ce toucher ? Il conviendra :

  1. D’écouter sa Parole. « La foi vient de ce qu’on entend » (Rm.10, 17).
  2. D’invoquer son Nom. « Professant hardiment notre foi » (Héb.3, 6).
  3. De vivre dans la foi. « Ma vie présente, je la vis dans la foi » (Gal.2, 20).
  4. D’espérer des biens. « La foi est la garantie des biens que l’on espère » (Hb.11, 1)
  5. De demander ces biens en priant. « Tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous l’avez déjà reçu, et cela vous sera accordé » (Mt.11, 24).
  6. De ne pas hésiter dans ses demandes mêmes impossibles. « Si quelqu’un dit à cette montagne : ‘Soulève-toi et jette-toi dans la mer’ et s’il n’hésite pas en son cœur, mais croit que ce qu’il dit va arriver, cela lui sera accordé» (Mc.11, 22-24).
  7. De travailler sa foi. « Nous pensons continuellement au travail de votre foi » (1 Th.1, 3). On travaillera sa foi en tenant,- « tenez le bouclier de la foi »( Eph.6, 16)-, et en combattant,- « combats le bon combat de la foi » (1 Ti.6, 12).

« Croire au Christ, dit S. Augustin, c’est Le toucher. » La femme atteinte d’un flux de sang Le touche. Afin de faire comprendre à tous ce qu’est ce toucher, Jésus demande « ‘Qui m’a touché ?’  « La foule te presse » répondent les apôtres. Pour faire comprendre la différence entre un toucher de la foi et un toucher physique, Jésus reprend : « Quelqu’un m’a touché » C’était pour dire : « la foule me presse mais la foi me touche’ » (Ibidem, S. Augustin).  Laissons sa divinité nous toucher par son humanité sainte : aujourd’hui, ses sacrements et touchons-Le par notre foi.

Je prie : « Seigneur Jésus, Tu me touches aujourd’hui et je veux me laisser toucher par Toi. Amen. »

Je crie : « Je Te touche, Seigneur, par la foi. »

Je Te touche, Seigneur, je Te presse :

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A propos Geoffroy de Lestrange 75 Articles
Le père de Lestrange, curé dans le monde rural, a fait ses études supérieures aux États-Unis. Il y a découvert le Renouveau charismatique catholique ainsi que les églises évangéliques. Bénédictin, puis profès simple chez les frères de Saint-Jean, il a découvert par ces contacts divers, l'importance de la prière pour une nouvelle Pentecôte dans l'Église, souhaitée par tant de papes.

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