Le désir des âmes

Homélie pour la fête de la Chandeleur (Lc 2,22-40)

Luc Labrecque, Mgr Jacques Benoit-Gonnin, évêque de Beauvais, et Mathieu Binette, webmestre du site. Merci au Père Geoffroy pour la photo!

Introduction : Le désir…

…de Guy Bessette

Chers frères,

Dimanche dernier, nous avons accueilli Guy Bessette. A la suite d’une faillite, cet homme, à la foi profonde, comprend que cet échec n’est rien. Il possède déjà tout avec sa merveilleuse femme et ses quatre enfants. Il suit avec plus d’ardeur le mouvement des « Cursillos », (un mouvement chrétien où 3 à 6 personnes se réunissent régulièrement pour donner du temps à la prière, à l’étude et à l’action). La Providence lui permet alors de rencontrer Luc Labrecque, spécialiste des Cellules Paroissiales d’Evangélisation. Alors que je lui demandais en quoi la cellule qu’il avait intégrée l’avait transformé, il m’a répondu très simplement que ce n’était pas tant la cellule qui l’avait changé, que la vision de l’Eglise qu’elle proposait. Ayant changé de région, il apprend que dans sa région natale, l’église où il a été baptisé a été vendue, faute de pratiquants. Dans son enfance, cette église était pleine. Quarante ans après, elle était vide. Cette nouvelle fut un choc d’autant plus rude que sa famille avait participé à sa construction. L’idée que l’évangélisation du monde était possible par la multiplication de cellules de Chrétiens l’enthousiasme. Elle était la réponse à sa déception. Elle était aussi la dimension oubliée des Cursillos et de bien des mouvements chrétiens : le baptisé est fait pour évangéliser et porter du fruit. Le désir d’évangéliser le monde est devenu si fort que Guy a pris ses congés pour accompagner Luc Labrecque, promoteur des Cellules au Canada, dans son périple français. Ce désir est né d’une déception.

…de Luc Labrecque

Luc Labrecque, infirmier de métier, conduisait au Christ de jeunes toxicomanes. Mais dès qu’ils quittaient le milieu protégé dans lequel ils étaient, ils se trouvaient à nouveau happés par le monde et retournaient à leurs multiples dépendances. Le fondateur de cette association pour toxicomanes, désespéré de voir l’inanité de ses efforts, fut retrouvé pendu à une corde. Luc Labrecque rêva alors de petits groupes qui accueilleraient ces déclassés pour les suivre. Mais une telle structure existait-t-elle ? La Providence le conduisit à rencontrer le Père Nicolas Tremblay qui lui fit découvrir les « cellules paroissiales d’évangélisation ». Elles assuraient non seulement un suivi de la vie chrétienne, mais évangélisaient en invitant à participer à la vie cellulaire. Luc parcourt aujourd’hui non seulement le Canada, mais le monde pour faire découvrir le système des cellules. Son désir, né d’une déception, s’est réalisé au-delà même de ce qu’il rêvait.  

Luc Labrecque a le désir de voir naître des Cellules Paroissiales d'Évangélisation
Luc Labrecque parle des cellules à Ressons-sur-Matz

1. Le désir est accru par la douleur…

…chez la Vierge Marie

Marie avance dans le Temple, heureuse, avec Joseph et Jésus. Elle vient offrir Jésus à Dieu, comme le commandait la Loi de Moïse : « Tout premier-né de sexe masculin sera consacré au Seigneur. » (Lc. 2, 23) Mais la douleur n’est pas loin. Le vieillard Syméon prophétise : « Vois ! Cet enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction et toi-même,  un glaive  te transpercera l’âme: ainsi seront dévoilées les pensées intimes d’un grand nombre. » (Lc. 2, 34) Depuis ce jour-là, la Vierge Marie devient « la Mère des douleurs », mais aussi « la Mère de l’Eglise ». Elle s’associe au grand plan de Rédemption de l’Enfant qu’elle vient de consacrer au Seigneur. Un désir immense de participer à l’œuvre de Son Fils la saisit.

… chez Anne

Ce processus de la douleur qui ouvre le cœur se retrouve chez Anne, femme d’Elcana. « Le Seigneur l’avait rendue stérile » (1 S. 1, 5) Cette stérilité la faisait beaucoup souffrir, d’autant plus que Peninna, la deuxième femme d’Elcana, ne se privait pas de la railler d’être sans enfant. « Dans l’amertume de son âme, nous dit la Bible, elle pria le Seigneur et versa des pleurs. » (1 S. 1, 10) Elle pria longtemps devant le Seigneur.  « Elle parlait dans son cœur et ne faisait que remuer ses lèvres, mais on n’entendait pas sa voix », (1 S. 1, 13) si bien que le grand-prêtre Eli pense qu’elle a bu et lui commande de faire passer son vin. Elle lui répond que c’est « l’excès de [sa] douleur et de [son] chagrin » (1 S. 1, 16) qui la fait se comporter ainsi, et non l’alcool.

… chez les vrais priants

Ce passage biblique fait écrire à un grand missionnaire parti en Chine au début du 20ème siècle : « Combien de vos prières ont-elles la sorte de qualité que nous trouvons dans l’amertume de l’âme d’Anne lorsqu’elle pria le Seigneur ? […] Nous avons peut-être prié beaucoup, […] passé beaucoup de temps sur nos genoux, c’est possible, sans que nos cœurs pénètrent dans l’agonie du désir. Mais la réelle supplication est fille du désir venant du cœur, et ne peut pas triompher sans ce dernier ; un désir, non de la terre, ni issu de nos cœurs pécheurs, mais imprimé en nous par Dieu Lui-même. Oh, qu’il y ait de tels désirs ! Oh, qu’il y ait la sincérité d’Anne, non seulement en moi-même, mais en tous ceux qui se joignent dans la prière pour ces pauvres païens aborigènes. » (James O. Fraser, La prière qui façonne l’histoire)

… chez les hommes des béatitudes

N’est-ce pas ce que le Seigneur enseigne dans les Béatitudes ? Quel est l’homme véritablement heureux, si ce n’est celui qui est « affamé et assoiffé » de justice ? Quel est l’homme véritablement heureux, si ce n’est celui qui n’est pas satisfait, « le pauvre de cœur » ?

 

2. Le désir jusqu’à son accomplissement…

… dans la vie de Jésus

Jésus dit à la croix « tout est accompli ». Tout le désir de rédemption de Jésus est accompli : son désir de  prendre le péché sur Lui, de purifier notre conscience des œuvres mortes par son sang. (He. 9, 14) C’est pourquoi Il ose dire, avant même cet accomplissement : « Prenez courage, J’ai vaincu le monde. » (Jn. 16, 33)

… dans la vie du disciple

C’est à cette prière « jusqu’au bout » – Il nous aima « jusqu’au bout » (Jn. 13, 1), dit l’Ecriture – à laquelle le vrai disciple est appelé. Le disciple alors, montre sa soif des âmes, il montre alors son insatisfaction de voir les âmes se perdre. « Nous devons nous préparer à une sérieuse guerre et, après avoir tout surmonté, tenir fermes. Nous devons combattre jusqu’au bout et ensuite nous tenir victorieux sur le champ de bataille. Ceci n’est-il pas un autre secret des prières non exaucées, le fait que nous n’avons pas tenu jusqu’au bout », interroge James O. Fraser. 

… dans la vie de l’église

Dimanche dernier, le Père René Agbavon, Béninois, curé de la paroisse de la Résurrection, à Soissons, appelait Luc Labrecque et son compagnon pour qu’ils viennent exposer à ses paroissiens la vision de l’église cellulaire. Devant les quatre « missionnaires » présentant le système des cellules, le curé demandait, à la fin de la réunion : « Qui veut s’engager à démarrer une cellule d’évangélisation ? » Une seule personne sur les dix-huit présentes, était prête : un jeune papa, dans la trentaine, qui anime les offices dominicaux, avec une belle batterie.  Le Père René allait-il se désoler de l’impact si faible de cette réunion ? Il me confiait : « Un feu de brousse peut démarrer avec une brindille… » « Le royaume de Dieu est forcé et ce sont les violents qui s’en emparent. » (Mt. 11, 12) « Polo », le jeune « violent », « forcera » le Royaume de Dieu, pour l’amener sur la terre de Soissons.

 

Conclusion : Ne rien lâcher…

En 2014, un slogan, dans le sillage de la Manif pour tous et de différents collectifs, revenait constamment : « On ne lâche rien ! »    

… dans la vie missionnaire

Alors que James Fraser, missionnaire en Chine, se désolait de l’impact si faible de l’Eglise dans son pays d’Angleterre et dans le monde chinois, il passait des heures dans une intercession «jusqu’au bout » avec des missionnaires et des Chrétiens Chinois, et la puissance de l’Esprit de Pentecôte se manifesta. Ils n’avaient pas lâché.

… dans l’Eglise primitive

A la Pentecôte, la Mère de Dieu entraîne les apôtres dans une longue intercession de dix jours pour recevoir le Saint Esprit. Et, « soudainement, nous dit l’Ecriture, du ciel, un bruit, tel que celui d’un violent coup de vent […] emplit toute la maison. » (Ac. 2, 2) La Mère de Dieu apprit au groupe apostolique à ne pas lâcher.

… suppose un désir

Le prophète Sophonie répète trois fois qu’il faut « chercher » : « Cherchez le Seigneur, vous tous les humbles du pays. […] Cherchez la justice, cherchez l’humilité. » (So. 2, 3) Mais cette injonction est précédée d’un verset capital : « O nation sans désir, avant que vous ne soyez chassés ; […] avant que ne vienne sur vous l’ardente colère de Yahvé, […] cherchez. » (So. 2, 1) Il est impossible de ne « rien lâcher », s’il n’y a pas, au point de départ, un désir.

… dans la vie de S. Augustin

Saint Augustin a été toute sa vie un être de désir. Il explique que c’est le fond même de la vie chrétienne : « Toute la vie du vrai Chrétien est un saint désir. Sans doute, ce que tu désires, tu ne le vois pas encore : mais le désir te rend capable, quand viendra ce que tu dois voir, d’être comblé. Supposons que tu veuilles remplir quelque objet en forme de poche et que tu saches la surabondance de ce que tu as à recevoir ; tu étends cette poche, sac, outre, ou tout autre objet de ce genre ; tu sais combien grand est ce que tu as à y mettre, et tu vois que la poche est étroite : en l’étendant, tu en augmentes la capacité. De même, Dieu, en faisant attendre, étend le désir ; en faisant désirer, Il étend l’âme ; en étendant l’âme, Il la rend capable de recevoir.  Désirons donc, mes frères, parce que nous devons être comblés. »

… dans son désir des âmes

Sommes-nous de vrais Chrétiens ? Nous le sommes si nous désirons que les âmes reviennent à Dieu.  Nous le sommes si nous le désirons avec « violence ».  Nous serons alors comblés dans cette soif. Prions pour cela.

 

Prions : « Seigneur, donne-nous le désir fort de voir le salut des âmes. »

Oraison jaculatoire : « Je viens vers Toi, l’Ange de l’Alliance que je désire. » (Ml.3, 1)

Question : Comment voir l’accomplissement de nos désirs de sauver les âmes ?

Suggestion : S’exercer à la prière d’Anne.

 

 

Homélie pour la fête de la Chandeleur                             Année «A »

Dimanche 29 janvier 2017                                              Lc 2,22-40

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A propos Geoffroy de Lestrange 75 Articles
Le père de Lestrange, curé dans le monde rural, a fait ses études supérieures aux États-Unis. Il y a découvert le Renouveau charismatique catholique ainsi que les églises évangéliques. Bénédictin, puis profès simple chez les frères de Saint-Jean, il a découvert par ces contacts divers, l'importance de la prière pour une nouvelle Pentecôte dans l'Église, souhaitée par tant de papes.

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