Introduction : L’amour…
…viril de S. Silouane
En 1870, dans le village de Chovsk, à 600 km au sud de Moscou, Syméon, âgé de 4 ans, ses 4 frères et ses 2 sœurs, son père, un simple paysan, du nom d’Ivan Pétrovich Antonov, et sa mère, reçoivent un marchand ambulant. Mendiants et pèlerins sont toujours bienvenus chez Antonov. Aujourd’hui, Ivan est heureux d’’accueillir à sa table quelqu’un qui a de l’instruction. Tous écoutent avec attention. Pourtant fuse des lèvres de cet homme instruit une affirmation étrange : « Où donc est-il ce Dieu ? Il n’existe pas, et le Christ n’était pas Dieu ! » Le marchand ambulant parti, Syméon dit à son père : « Tu m’apprends à prier, mais le marchand dit que Dieu n’existe pas ? » « Je pensais, répond Ivan, que c’était un homme intelligent, mais je vois maintenant que c’est un imbécile ! Ne fais pas attention à ce que cet homme a dit. » Pourtant, le doute s’installe dans le cœur de l’enfant.
Devenu grand, Syméon travaille dans la propriété du prince Troubetskoy. Sa cuisinière part en pèlerinage sur la tombe du reclus Jean Sézénovsky et raconte les miracles qui s’y produisent. Quelques-uns des vieillards présents à la conversation confirment les propos de la servante. Syméon se dit alors qu’il n’est pas besoin de parcourir toute la terre pour trouver Dieu : « Si Jean Sézénovsky est saint, c’est que Dieu est avec nous. » La réponse à son doute de petit enfant lui a été donnée et Syméon, à l’âge de 19 ans, se met à prier beaucoup, en versant des larmes. Il ressent un profond changement intérieur et un attrait pour la vie monastique. Son père, à qui il s’est ouvert de son désir, l’engage à faire d’abord son service militaire, un service qui dure 7 ans ! Hélas, la ferveur du jeune homme ne dure pas et il se tient mal. Son père le devine. Il lui dit un beau matin, « Mon petit, où étais-tu hier soir ? Mon cœur me faisait mal. » Il s’était mal tenu avec une fille. Son impureté lui vaut de sortir brusquement du sommeil après un rêve qui le dégoûte : il avalait un serpent. Une voix lui parle alors avec douceur : « Tu as avalé un serpent en rêve et cela te répugne, De même, je n’aime pas ce que tu fais. » Il est convaincu que cette voix est celle de la Mère de Dieu.
Appelé sous les drapeaux, son comportement édifie ses camarades. Le service militaire fini, il entre à l’automne 1892 au Monastère de Saint Pantéléimon, au mont Athos où il reçoit le nom de Silouane. Là, il apprend à lutter contre ses pensées. Il aime renoncer à sa volonté devant celle d’autrui : « Pour moi, dit-il à l’un de ses frères moines, c’est plus profitable que n’importe quel conseil du starets. » Il estimait l’humilité comme une vertu essentielle : « A mon avis, disait-il à un frère qui ne pouvait étudier la théologie, il n’y a qu’une chose importante, devenir humble, car l’orgueil nous empêche d’aimer. » Durant ses dernières années, l’âme du starets était complètement absorbée par la prière pour le monde. Doux, ayant banni toute colère et susceptibilité de son existence, calme et d’humeur égale, il s’éteignit le 20 septembre 1938. Peu après, il était canonisé.
… viril, comment ?
L’amour peut être aussi viril que celui de S. Silouane. Il en est ainsi de l’amour des apôtres envers le Christ et plus particulièrement de l’amour de Pierre. Il voudra par une affection mal placée, empêcher Jésus de donner Sa vie jusqu’au bout, (Cf. S. Thomas, Somme II.II Q. 43 a. 2 sol. 2) mais il sera capable, lui aussi, d’un amour viril, puisqu’il mourra martyr. Aussi, la question de ce jour est de savoir comment nous pouvons témoigner d’un amour viril, d’un amour qui aille jusqu’au bout, comme l’amour du Christ, l’amour des Apôtres et l’amour de Silouane ? En quoi consiste un amour viril ?
1. L’amour viril est un amour stable et constant.
Premièrement, l’amour viril est un amour stable et constant.
- L’amour de Pierre, à ses débuts, est à l’opposé d’un amour viril.
- Cela semble étonnant chez ce pêcheur du lac, habitué à travailler des nuits entières, sous des changements de climat apportant tempêtes, chaleur, pluies, froid, etc.
- Cela semble étonnant chez un homme que Jésus choisira pour chef de son Eglise.
- Mais Pierre veut tantôt une chose, tantôt une autre : Il veut suivre Jésus jusqu’à donner sa vie comme le Sauveur – « Seigneur, je suis prêt à aller avec Toi en prison et à la mort » (Lc.22, 33) – dira-t-il, mais en même temps, il ne veut pas que Jésus donne sa vie pour sauver le monde. En un mot, Pierre est instable dans ses pensées.
- On le voit bien alors qu’il cède aux étroitesses d’esprit de ses frères Juifs devenus Chrétiens. Ils veulent contraindre les Chrétiens, hier païens, à pratiquer les 613 commandements de la loi de Moïse, au risque de les mettre sous le joug de la loi dont le Christ a libéré Juifs et païens. Aussi Paul lui reprochera une vraie duplicité : « Si toi qui es Juif, tu vis comme les païens, et non à la juive, comment peux-tu contraindre les païens à judaïser ? » (Gal. 2, 14)
- L’amour de Silouane est à l’opposé d’un amour viril à ses débuts.
- Petit, à la suite d’une affirmation d’un marchand ambulant, il doute de l’existence de Dieu. Plus tard, au récit d’une cuisinière revenant d’un pèlerinage, il est touché par la grâce et se met à prier et à pleurer ses péchés. Mais cet amour dure peu. Silouane perd sa ferveur, entraîné par ses camarades. Il sort avec les jeunes filles du village, boit de la vodka, joue de l’accordéon et vit comme tous les autres jeunes gens de la campagne.
- Il ne supporte pas facilement l’insulte et manque de tuer un homme pour ne pas se déconsidérer devant les jeunes filles du village.
- Arrivé au monastère, il apprend à lutter contre ses impulsions et ses pensées. Son confesseur ne lui a-t-il pas dit : « N’accepte jamais les pensées, mais chasse-les dès qu’elles apparaissent. » ? Son humble aveu de ses pensées, son humble soumission à la règle commune et aux anciens du monastère, (Cf. S. Benoît, Règle, chap. 7) le rendent stable et constant.
2. L’amour viril supporte l’insulte et la moquerie
Deuxièmement, l’amour viril supporte. Devant l’insulte et la moquerie, Pierre prend l’épée ou fuit ! Mais à l’inverse :
- L’amour de Jérémie supporte, tant son amour pour Dieu est fort : « A longueur de journée, la parole du Seigneur attire sur moi l’insulte et la moquerie. […] Mais [Sa parole] était comme un feu brûlant dans mon cœur, elle était enfermée dans mes os. Je m’épuisais à la maîtriser, sans y réussir. » (Jr. 20, 8-9)
- De même l’amour de Silouane pour son prochain est tel qu’il supporte ses étroitesses d’esprit, sans rien dire. Trophime, un de ses amis, trouvait que Silouane parlait à Dieu trop directement. « Lorsqu’il parlait de la prière, et de son Dieu comme de son propre Père, il y avait quelque chose de si hardi, de si audacieux que parfois je l’interrompais en lui disant : “Arrête, Père.“ Il me semblait qu’il avait perdu la crainte de Dieu. » Et Silouane se taisait. Trophime ne comprendra la sainteté de Silouane qu’après sa mort, comme Thérèse de l’enfant Jésus ne fut comprise par ses sœurs qu’après sa mort.
3. L’amour viril prie…
Troisièmement, l’amour viril recherche Dieu dès l’aube : « Dieu, Tu es mon Dieu, je Te cherche dès l’aube. » (Ps. 62, 1) C’est ce que faisait le jeune moine Silouane, répétant sans cesse la prière de Jésus, comme il lui avait été conseillé dès le début de sa vie monastique : « Seigneur Jésus Christ, fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur. » Il avait acquis la prière continuelle. Il disait : « Prier pour les hommes, c’est verser son sang… mais il faut prier. […] Si l’homme ne se force pas à l’œuvre de la prière, il perdra la grâce ; si par contre, il montre sa bonne volonté, la grâce l’aimera et ne l’abandonnera plus. »
Conclusion : l’amour viril aime…
L’amour viril est, en fin de compte, un grand don de Dieu par lequel, lentement, l’homme a appris à aimer en transformant sa pensée jusqu’à aimer le monde entier. « Mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser… » (Rm. 12, 2) Silouane avait si bien « évangélisé » sa pensée qu’il acceptait même l’Eglise Catholique, jugée hérétique par ses frères. Il priait aussi pour les âmes du purgatoire, pour ses ouvriers, pour des typhons ou des tempêtes risquant de mettre à mal des hommes ou des choses. Il priait pour le monde entier.
Prions : « Seigneur, donne-nous cet amour viril d’un saint Silouane, donne-nous cet amour fort qui embrasse le monde afin que nos cœurs ressemblent enfin au Tien. Amen. »
Oraison jaculatoire : « Me voici, Seigneur, pour faire ta volonté. »
Question : Quelles sont les caractéristiques d’un amour viril ?
Suggestion : Prier sans cesse.
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