La prédication des débuts de l’Église insistait beaucoup sur la Passion du Christ. Jésus, pour les Apôtres et leurs successeurs, était le Messie crucifié. Il unissait en lui la gloire attendue pour le Fils de David et les souffrances décrites dans le livre d’Isaïe pour le Serviteur souffrant. Ce paradoxe, celui du triomphe et de l’humiliation, constituait le coeur du mystère chrétien. Au lieu d’appuyer exclusivement sur la splendeur du ressuscité, les premiers messagers de l’évangile ont souligné avec une insistance certaine que Jésus avait accédé à la gloire du ciel en passant par la douleur et la mort.
L’évangélisation de Pierre et Paul portait beaucoup sur la Passion
Tout ceci se vérifie dans ce que nous ont laissé les deux apôtres saint Pierre et saint Paul. Le chef du corps apostolique, dans sa première lettre qui livre un abrégé de sa prédication, dit ceci: “Le Christ a souffert pour vous, vous laissant un modèle afin que vous suiviez ses traces.” (1 P 2, 21). Par ailleurs, saint Paul, l’apôtre des nations, laisse entrevoir la même doctrine prioritaire dans son enseignement. Il écrit à une communauté nouvelle : “Non, je n’ai rien voulu savoir parmi vous, sinon Jésus-Christ, et Jésus Chris crucifié.” (1 Co 2, 2)
Saint Marc selon une tradition qui a survécu à la critique moderne, a été le compagnon de mission des deux apôtres. Celui qui devait devenir l’auteur de l’Évangile qui porte son nom, doit être identifié avec Jean Marc, l’auxiliaire de Barnabé et Paul; il les aide dans le voyage missionnaire décrit par les Actes des apôtres (Ac 13-14). Saint Pierre1, pour sa part, parle de Marc en employant un mot affectueux dans la conclusion d’une lettre: Marc, mon fils (1 P 5, 13).
Prenant conscience d’un écrivain qui a vécu dans un tel entourage, on pouvait s’attendre à un leitmotiv de la Passion comme thème littéraire. Suivra-t-il la pédagogie des deux grands héros du christianisme qui ont mentionné surtout l’un en Israël auprès des Juifs, et l’autre en contres polythéistes? Ce ne serait que naturel pour toutes les catégories de chrétiens. En lisant le livre très bref de saint Marc (16 chapitres), on constate que c’est vraiment le cas. Saint Marc a choisi d’écrire avec force sur la Passion du Christ au risque de scandaliser ses lecteurs.
Marc évite les thèmes qui détourneraient de la Passion
Le plan de l’Évangile de saint Marc est ce qui frappe au premier abord. Rien n’est dit au début sur la naissance de Jésus ou sur son enfance. Saint Marc connaît peut-être quelque chose de la vie cachée de Jésus mais il veut focaliser l’attention sur ce que Jésus, l’adulte, a vécu.
Rien n’est dit non plus sur les voyages de Jésus à Jérusalem. La piété d’un Juif fervent a certainement conduit Jésus au temple de Jérusalem assez souvent et Nazareth n’était qu’à 160 Kms du Lieu Saint. Mais en fait la seule montée de Jésus à Jérusalem rapportée par saint Marc est la dernière. Pourquoi? C’est le chemin qui mène Jésus à sa mort, un véritable chemin de croix. Tout ce que l’on dit dans cet évangile sur Jésus est regroupé au long de cet itinéraire. Le point de départ est la Galilée, région où Jésus se manifeste. Il quittera la Galilée pour la Judée au sud dans un parcours qui reste peu détaillé. Il passe par Jéricho à l’est du Jourdain, et il se dirige vers la ville où il doit mourir.
Les allusions ou informations qu’on trouve ailleurs sur des séjours de Jésus à Jérusalem (Matthieu 23, 37; Jean 2, 13) sont laissées dans l’ombre. Le disciple doit penser à l’essentiel: “Il m’a aimé et s’est livré pour moi.” (Galates 2, 20). S’il y avait eu trop de détails, saint Marc aurait craint de rater sa cible, le petit livre serait passé à côté de l’objectif.
Une grande quantité de texte porte sur la Passion. Les chapitres 14 et 15 qui sont tous les deux plus longs que la moyenne rapportent ses péripéties. Le récit de ce qui s’est produit en à peu près 48 heures nécessite 119 versets pour exposer la trahison de Judas, l’institution de l’eucharistie, l’arrestation à Gethsémani, le procès juif, le procès romain, la via dolorosa, la crucifixion, les paroles de Jésus en croix et la mort. On note que l’évangéliste s’étend sur le sujet alors que l’ensemble de l’activité de Jésus comprenant ses controverses avec des scribes, ses paraboles et ses miracles nombreux n’occupent que 539 versets. En général, un épisode du ministère actif de Jésus n’occupe qu’un paragraphe d’au plus dix ou quinze versets. Cela pour la narration d’évènements s’échelonnant sur environ 3 ans. La signification profonde de la Passion touchant le disciple dans son âme exige qu’on s’y attarde et qu’on la médite posément.
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