La préparation (suite)
La préparation lointaine
Pourquoi, depuis quinze siècles, les disciples de saint Benoît se lèvent-ils une heure plus tôt tous les jours? Pour faire ce qu’ils appellent la lectio divina, c’est-èa-dire une heure de lecture méditée de la Bible ou d’ouvrages chrétiens. Ce n’est pas pour mieux parler de Dieu qu’ils s’adonnent à cette lecture spirituelle, puisque beaucoup de ces moines ne font jamais de catéchèse; c’est essentiellement afin de mieux prier.
Comme nous, ils sont souvent tentés d’abroger leur lecture spirituelle pour régler des affaires urgentes: travail en chantier, courrier en retard… Lorsqu’ils succombent à cette tentation, ils s’aperçoivent eu aussi que leur vie spirituelle s’étiole, manque de nourriture,. Ils reprennent alors la résolution de mieux profiter de leur bibliothèque – la grande richesse d’un monastère – de faire plus régulièrement leur lectio divina.
Cette pratique n’est absolument pas réservée aux intellectuels! Deux fois par jour le curé d’Ars faisait une lecture spirituelle en utilisant l’un des 450 livres qu’il avait à sa disposition. Et, dans sa prédication, il revenait souvent sur la nécessité de consacrer chaque jour un moment à la nourriture de son âme.
Nous l’avons dit, nous ne sommes ni bouddhistes, ni hindous. Pour prier, nous ne cherchons pas à réaliser le vide mental; nous nous efforçons plutôt de faire le plein, c’est-à-dire de nous remplir l’esprit de paroles bibliques ou de scènes d’Évangile, afin qu’elles viennent féconder nos temps de prière.
Et n’allons pas croire qu’en priant le Saint-Esprit de nous éclairer, nous sommes dispensés de lire la Bible. C’est une erreur! Le Saint-Esprit n’est pas chargé de remplacer ou de corriger l’enseignement donné par Jésus. Il est en quelque sorte le Répétiteur que le Père envoie pour nous aider à mieux comprendre et à savourer davantage les paroles prononcées par son Fils. L’Esprit-Saint ne ressemble pas à ces répétiteurs qui s’imaginent mieux connaître la leçon que le maître d’école. Loin de se substituer au Christ, l’Esprit est tout entier à son service. Son désir est de nous faire goûter chaque jour un peu plus le message que, sous Ponce Pilate, le Verbe incarné a apporté une fois pour toutes aux hommes de tous les temps.
La préparation prochaine
Nous ne pouvons pas passer sans transition d’une activité fiévreuse à l’oraison. Détendons-nous un moment par l’écoute d’un chant, par quelques exercices respiratoires, voire même par une courte promenade. Essayons de baisser le rideau de notre “magasin de souvenirs”. Redisons-nous que nous avons le droit de nous rendre à cette rencontre gratuite avec Lui!
“Avant de prier, remarque saint François de Sales, il faut dire de tout votre coeur et à votre coeur: Ô mon coeur, mon coeur, Dieu, vraiment, est ici. “
La préparation immédiate
Il y a deux choses très importantes à faire pour prendre un bon départ:
Pour qu’un moteur démarre, il faut mettre le contact. Même chose pour l’oraison. Il faut, dès le départ, établir le contact entre notre moi le plus intime et le Toi divin: “Tu es là, Seigneur! moi aussi! Tu me regardes, Seigneur. Me voici devant toi, sous ton regard!”.
Ce principe est valable pour toutes nos prières. À ne pas l’appliquer, beaucoup de chrétiens mettent parfois beaucoup de temps à entrer dans la prière des moines, alors même qu’ils assistent, émerveillés, à leur liturgie dominicale. Confortablement installés sur un banc de leur église conventuelle, ils admirent la majesté de l’édifice, la beauté du bouquet de fleurs posé au pied de l’autel, l’ordonnance parfaite de la procession des moines, la simplicité de leurs chants, que sais-je encore?… Mais ils s’aperçoivent parfois tout étonnés, un quart d’heure plus tard, qu’eux-mêmes n’ont pas encore prié. Ils ont tout simplement oublié d’adresser au Seigneur, dès leur arrivée dans l’église, une prière sortie du plus profond de leur coeur: “Seigneur, je suis heureux d’être ici devant Toi. Je m’associe d’avance à la louange que les moines vont faire monter vers Toi. Aide-moi à percevoir le message que Tu veux m’adresser aujourd’hui et à T’offrir mon humble prière”.
Cette prière initiale transforme le touriste en pèlerin. Quand on a commencé à prier de cette façon-là, on peut ensuite regarder le bouquet de fleurs ou écouter le chant des moines avec un coeur tout autre. Tout devient occasion de parler à Dieu, de Le prier.
Encore faut-il relancer régulièrement ce dialogue, afin que notre prière ne dégénère pas en monologue. Au lieu de nous lamenter par exemple sur nos insuffisances de jadis dans le domaine de l’oraison, disons tout simplement: “Seigneur, dès maintenant, apprends-moi à prier!”.
La seconde chose à faire au début de notre oraison est de vérifier et, au besoin, de purifier le motif pour lequel nous nous mettons à prier. Il est même bon de le dire en quelques mots: “C’est pour Toi, Seigneur, que je viens, pour Te faire plaisir. Je ne viens pas chercher des idées nouvelles susceptible d’enrichir ma prochaine catéchèse; je ne viens pas non plus afin de me sentir transporté au septième ciel de la contemplation. J’y viens pour Te donner la joie de me redire une nouvelle fois ton amour et de me transformer un peu plus à ton image”. En agissant ainsi, nous ne serons jamais déçus par le déroulement de nos oraisons. Si nous recevons la lumière en cours de route, nous en remercierons le Seigneur, mais nous ne serons nullement attristés de ne pas en recevoir. Si nous éprouvons beaucoup de joie à prier, nous saurons dire merci au Seigneur, mais nous ne serons pas étonnés de connaître l’aridité. Cette pureté d’intention transforme chacune de nos oraisons en véritable acte d’amour.
Si au contraire, nous allons à la rencontre du Seigneur avec le secret espoir d’en recevoir de nouvelles lumières sur l’Écriture, nous ressemblons quelque peu à un journaliste qui ne consentirait à passer du temps avec sa fiancée que pour écrire ensuite un meilleur papier sur l’amour. Et si nous commençons nos oraisons avec le secret désir d’y éprouver des consolations sensibles, nous ressemblons à ces personnes qui se rendent au vin d’honneur qui suit la célébration d’un mariage, non pas pour faire plaisir aux jeunes mariés, mais dans le seul but d’y consommer des petits fours!
(À suivre…)
Ce texte est paru dans la revue "Sainte Rita" de mars 2017.
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