Aujourd’hui s’est terminée une très belle expérience pour moi: celle d’enseigner la catéchèse à un groupe d’enfants. Malgré le fait que j’ai adoré être en contact de ces enfants et que j’ai trouvé chacun d’eux très attachants, je ne crois pas que je reprendrai le collier en septembre prochain. Je ne crois tout simplement pas à la manière dont nous le faisons présentement, dans notre Église québécoise.
Le système actuel ne livre pas la marchandise
Tout le monde dans l’Église (et même ceux qui n’en font pas partie!) constate que nous traversons une crise sans précédent. Chaque année qui passe voit l’âge moyen de l’assemblée progresser avec elle; autrement dit, nous ne nous renouvelons pas. Les membres de nos assemblées ont, pour la plupart, reçu un certain enseignement religieux à l’école. Ils ont ainsi reçu les sacrements: Pardon en 2e année du primaire, Eucharistie en 3e année, Confirmation en 6e année.
Tandis que les parents des enfants inscrits aujourd’hui dans les parcours de foi, bien que ne fréquentant pas assidûment la messe (combien de ceux qui assistent à la messe sont-ils véritablement en communion avec l’Église?), avaient eux aussi reçu un enseignement religieux à l’école, leurs enfants, fréquentant l’école publique après la déconfessionnalisation du tournant du 21e siècle, n’ont eu pratiquement aucun contact avec un enseignement religieux. Et comme ces parents, bien qu’ayant reçu un enseignement religieux à l’école, ne croient pas à l’enseignement de l’Église, ils n’ont donné aucune catéchèse à leurs enfants. Vers qui devraient donc se tourner ces parents pour préparer leurs enfants à recevoir ces sacrements? Vers l’Église, bien sûr!1
L’Église comme prestataire de services
Je dis que l’Église est la seule coupable dans cette affaire, bien que son intention fut bonne. Depuis 1608 jusqu’à aujourd’hui, les Québécois, dont les membres de l’Église font partie, ont vu l’Église comme celle qui a organisé la société: santé, éducation, loisirs. L’Église a pris cette charge à cause de la nature de sa mission évangélisatrice: comme l’Église s’occupait d’éducation, elle évangélisait par le fait-même. Et après la laïcisation du système public à partir des années 1960, la société civile a préservé cette culture évangélisatrice dans le système d’éducation jusqu’à la fin des années 1990, bien après que la vaste majorité des Québécois aient abandonné leur foi.
C’est alors que la fausse bonne idée de transférer la manière de faire des écoles fut implantée dans les paroisses. Désormais, les parents qui désirent que leurs enfants reçoivent les sacrements doivent les inscrire à un parcours de foi d’une durée d’environ 6 mois par année. Le même cheminement qu’à l’école est alors proposé: Pardon en 1er cycle du primaire, Eucharistie en 2e cycle, et Confirmation en 3e cycle. L’Église donne une prestation de services éducatifs à la foi, dans le but de recevoir les sacrements, afin que leurs enfants ne soient pas pénalisés une fois devenus adultes (c’est-à-dire qu’ils n’aient pas à suivre un parcours plus tard s’ils voulaient parrainer un enfant dans le baptême ou se marier à l’église…).
La sacrementalisation de la catéchèse
C’est l’histoire d’un curé qui avait un problème de chauve-souris dans son église. Le curé en parle avec celui de la paroisse voisine: « J’ai tout essayé: les pièges, la nourriture, le balai: tout! Pas moyen de m’en débarrasser! ». Et son voisin lui répond: « Baptise-les, fais-leur faire leur première communion et confirme-les: tu ne les reverras plus jamais! » Ce n’est pas parce qu’on rit de cette blague que c’est drôle… Cette histoire reflète parfaitement la situation actuelle de la grande majorité de nos paroisses. Et pourtant, le pape Paul VI nous mettait déjà en garde en 1975:
« Le rôle de l’évangélisation est précisément d’éduquer tellement dans la foi qu’elle conduise chaque chrétien à vivre — et non à recevoir passivement, ou à subir — les sacrements comme de véritables sacrements de la foi. » (Paul VI, Evangelii Nuntiandi)
Problème de la méthode actuelle
Le problème avec la méthode actuelle, c’est que nous faisons le choix de passer outre le fait que les enfants qui sont devant nous ne connaissent que peu ou pas du tout Jésus-Christ, et qu’ils devraient donc être évangélisés. Par conséquent, les parcours de foi devraient davantage s’inscrire dans un processus d’évangélisation.2 Le programme que les catéchistes doivent enseigner consiste cependant plutôt à enseigner une matière scolaire en vue de comprendre le sacrement prévu à la fin du parcours, ce sacrement devenant alors comme un accomplissement de la réussite de cette matière. Plutôt que de permettre aux enfants de découvrir le sens que prend la vie d’une personne quand elle se sait aimée de Dieu, nous leur inculquons des notions que nous savons qu’ils auront vite fait d’oublier. Car pour vivre une véritable expérience spirituelle, il faut plus qu’une heure quinze à toutes les deux semaines. Il faut une relation d’amitié durable, mutuelle. Le genre de relation qu’un parent peut avoir avec un enfant… Pourquoi n’évangéliserions-nous pas alors les parents? Manquerions-nous de courage d’imposer la vraie foi en Esprit et en Vérité que nous sommes appelés à proclamer?
Le mauvais message
Je pense que nous envoyons le mauvais message. Je suis d’avis que l’Église ne devrait plus offrir un parcours de foi, avec ce qui ressemble à une classe, avec un professeur et un diplôme à la fin de l’année. Nous échangeons un sacrement contre un peu d’attention à notre enseignement. On sait le résultat que cela donne et nous persévérons dans cette voie.
Nous fonçons, tête baissée, dans un mur. Pour rendre ce parcours plus dynamique, nous offrons une messe familiale par mois (chaque messe n’est-elle pas, intrinsèquement, une célébration de la famille de Dieu?). Les parcours durent de la fin septembre à la fin novembre (pas de catéchèse au mois de décembre: les gens sont occupés à acheter des cadeaux pour… une fête commerciale quelconque…) et reprennent de la fin janvier à la fin mars.
Le reste du temps, par crainte d’imposer une discipline trop exigeante, nous abandonnons les enfants et leurs familles. Nous envoyons le message que, bien que dans les cours de catéchèse nous disions que d’entretenir notre relation avec Dieu soit la chose la plus importante de notre vie, cela n’est important que six mois par année (surtout pas l’été: il ne se passe rien, l’été, dans nos églises, car les gens et les équipes pastorales prennent congé de Dieu!). En tout, cette année, les enfants de notre paroisse auront reçu 10 heures d’enseignement religieux.
Restructuration vs réforme
Oh! Attendez, me direz-vous! Nous allons augmenter de quinze minutes, l’an prochain, la durée de chaque séance de catéchèse et nous offrirons deux ou trois séances de plus. Big deal! Les enfants recevront tout de même un enseignement religieux, d’une durée de peut-être quinze heures. Une augmentation de catéchèse de 50% ne suffit pas. Il faut une réforme de la catéchèse.
Savez-vous à quel moment j’ai décidé de réellement confier ma vie à Jésus (si on peut jamais le faire complètement…)? C’est, lorsque dans ma vie de tous les jours, des gens m’ont parlé de l’amour que Dieu avait pour moi. C’est dans les épreuves, lorsque quelqu’un a ouvert la Bible et m’a montré ce que Dieu avait à dire à ce sujet. Et c’est alors que j’ai entrepris une démarche pour mieux Le connaître. Le fait d’avoir reçu mes sacrements n’avait contribué ni à me rapprocher de Dieu, ni à m’empêcher de commettre certains actes dont je ne serais pas fier si je n’en avais pas été libéré par Celui qui m’a sauvé.
La bonne méthode
Honnêtement, je ne connais pas la formule magique pour renouveler notre Église. Si une telle formule existait, cela ferait longtemps que nous l’aurions appliquée, n’est-ce pas? Mais je sais aussi que la méthode que nous utilisons depuis 20 ans ne fonctionne pas. C’est aussi simple que cela. Même si nous changeions l’apparence de certaines choses, il n’en demeure pas moins que c’est le contenu que nous devons changer. Nous devons cesser d’enseigner la religion et commencer à proposer l’expérience de Jésus-Christ. « Tu veux connaître Jésus-Christ ou tu veux un diplôme? Si tu veux Le connaître, commence par fréquenter un de nos nombreux programmes ecclésiaux. » Voilà ce que nous devrions dire à ceux et celles qui frappent à la porte pour recevoir un sacrement.
« Or quand arriva le septième mois – les Israélites étant ainsi dans leurs villes -, tout le peuple se rassembla comme un seul homme sur la place située devant la porte des Eaux. Ils dirent au scribe Esdras d’apporter le livre de la Loi de Moïse, que Yahvé avait prescrite à Israël. Alors le prêtre Esdras apporta la Loi devant l’assemblée, qui se composait des hommes, des femmes et de tous ceux qui avaient l’âge de raison. » (Ne 8, 1-2).
Quel est l’âge de raison? La vérité, c’est qu’il varie d’une personne à l’autre. Je crois que nous devrions nous efforcer d’offrir diverses expériences: implications sociales, méditatives, culturelles et patrimoniales, liturgiques, etc. Le sacrement devrait être offert comme une réponse, au moment où le chrétien, découvrant le trésor caché dans un sacrement, supplie l’Église de lui donner ce signe de l’amour de Dieu. Si nous pouvions changer l’objectif, à tout le moins, nous saurions que nous avons pris un nouveau sentier qui nous mènera on ne sait où, sinon là où l’Esprit Saint nous conduira. De multiples projets ont fait leurs preuves. Pourquoi ne mettrions-nous pas nos efforts à implanter ces projets qui ont fonctionné plutôt qu’à sauvegarder des postes d’agents de pastorale?
Mon plan pour l’an prochain
Quant à moi, je ne sais trop ce que je ferai l’an prochain. Je demeurerai à la disposition de mon curé et j’irai là où il me demandera d’aller. Si j’avais le choix, j’organiserais une espèce de groupe où parents, enfants et grand-parents seraient unis dans la fraternité et la joie de vivre ensemble, aimés de tout amour par Dieu le Père, le Fils, et le Saint-Esprit.
1Nous nous demanderons, dans un prochain billet, pourquoi ces parents continuent de demander les sacrements.
2Pour en savoir plus sur le processus d’évangélisation: https://evangeliser.net/series/processus-devangelisation/
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