Je suis dans un groupe de méditation chrétienne depuis une dizaine d’années seulement, mais l’appel du silence s’est fait sentir en moi pour la première fois il y a plus de 35 ans.
J’avais quitté la pratique religieuse depuis 10 ans quand, à l’âge de 27 ans, j’ai vécu une expérience de conversion. J’ai ressenti ensuite une soif immense de lire la Bible et des ouvrages sur la prière et sur la vie spirituelle en général. C’est à ce moment-là que j’ai découvert la prière de Jésus en lisant Récits d’un pèlerin russe. Au début, je priais avec la formule complète suggérée dans ce petit livre : « Seigneur Jésus-Christ, fils du Dieu-Vivant, aie pitié de moi, pécheur ». Je la répétais des centaines de fois par jour à voix basse ou tout simplement dans ma tête. Après avoir lu Le nuage de l’inconnaissance, cette prière s’est de plus en plus simplifiée pour finalement devenir un seul mot : Jésus. Ce mot répété sans cesse s’est greffé à ma respiration. J’inspirais Jé et j’expirais –sus. Ce mot sacré ne m’a jamais laissé depuis. C’est comme s’il avait pris à mon souffle une vie indépendante. Je me réveille parfois la nuit et je suis surpris de l’entendre « se dire en moi. »
C’est cette pratique qui, au milieu des années 80, m’a conduit au silence – un silence fascinant mais aussi épeurant. Je le sentais m’attirer, parfois avec force, vers quelque chose qui semblait être au plus profond de moi. Je voulais pénétrer ce silence pour voir où il me conduirait. En même temps, ce silence me faisait sentir comme si je me trouvais au bord d’un abîme, un précipice. J’avais alors envie de fuir cet endroit où je ne trouvais aucun appui, aucun repère.
J’ai cherché à comprendre ce qui m’arrivait. J’ai lu des extraits des livres de John Main. Je suis allé à quelques occasions aux rencontres d’un groupe de méditation chrétienne. J’ai même fait une retraite animée par un jeune moine du nom de Laurence Freeman. Mais je n’étais pas encore prêt pour cet univers étrange de la méditation.
Ce n’est qu’en 2008 que je suis retourné à un groupe de Méditation chrétienne ici à Ottawa. L’attrait du silence ne m’avait jamais laissé et m’avait progressivement et très délicatement apprivoisé. Je fais partie de ce groupe de méditants à la paroisse Notre-Dame-de-Lourdes depuis ce temps.
Je ne suis pas un méditant modèle. Je médite presque tous les jours, mais pas toujours deux fois par jour et le temps que je passe en méditation varie d’une journée à l’autre. Par contre, plusieurs fois par année je sens le besoin de prendre une ou plusieurs journées en silence dans un centre de retraite, une maison de prière ou un monastère. Cette soif de me retirer dans « un endroit désert » pour prier en silence grandit de plus en plus.
Tant bien que mal, je continue à méditer et le sens que cela a pour moi s’approfondi et s’enrichi. Avec le temps, j’ai constaté que quelque chose changeait dans ma prière. Non, les distractions ne sont pas miraculeusement disparues. Il y a des jours où j’ai l’impression de passer tout le temps de méditation dans un ouragan de pensées, d’images et d’émotions. Ce qui a changé c’est que cela a de moins en moins d’importance pour moi. Je comprends de plus en plus que ce qui compte, ce n’est pas combien efficace je suis comme méditant. Ce qui compte d’abord et avant tout, c’est qu’il y a en moi une Présence aimante qui est à l’œuvre pour me transformer.
Il y a un passage dans le livre du prophète Jérémie qui m’a aidé à comprendre cela. Jérémie visite la maison d’un potier. Il voit le potier travailler avec de l’argile pour faire un vase. Sa première tentative n’est pas à son goût, alors il détruit le vase mal formé et recommence à travailler l’argile pour faire un vase tel qu’il le conçoit dans sa tête.
Je suis cet argile, cette motte de glaise, que le potier travaille. Auparavant, je m’inquiétais de ce que ma motte de glaise avait l’air et du progrès qu’elle faisait pour devenir un beau vase. J’avais l’impression que cela dépendait de moi, comme si une motte de glaise pouvait se transformer en vase par ses propres moyens. Si je pensais au potier, c’était pour superviser son travail et lui dire comment former le vase tel que je le concevais. Mais, de plus en plus, je ne regarde plus la motte de glaise. Je regarde avec confiance et émerveillement le travail que les mains du potier sont en train de faire. Méditer est devenu pour moi une façon de me déposer, ou plutôt, parce que même le désir de méditer vient de la Présence qui est en moi, de me laisser déposer dans les mains du potier. Quand je médite, je laisse le potier me transformer comme il l’entend.
La méditation a changé non seulement ma façon d’entrer en relation avec Dieu, mais aussi ma façon de voir et d’entrer en relation avec les autres. Je donne un seul exemple ici parce que le temps me manque. J’ai un frère qui souffre d’Alzheimer. Sa maladie progresse très rapidement et la communication avec lui devient de plus en plus difficile. Cette semaine je suis allé le visiter à l’hôpital Royal. Quand je suis entré dans sa chambre, il dormait. Je me suis donc assis sur la chaise près de son lit et j’en ai profité pour méditer. Pendant la méditation, j’étais conscient que la présence aimante qui m’habite était tout aussi présente en lui. Je constate que plus je suis attentif à la présence et à l’action de Dieu en moi, plus je peux la reconnaître présente et agissante dans les autres.
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.