La face glorieuse du Christ contemplée …
… par le sâdhu Sundar Singh
Le sâdhu Sundar Singh est un hindou converti au christianisme. Né le 3 septembre 1889, dans le Pendjab, il appartient à une famille Sikh, influente, et reçoit une instruction poussée. Sa mère souhaite qu’il devienne un sâdhu (un sage) afin qu’il enseigne le chemin du shanti (la paix). Il expérimente toutes les religions de l’Inde : l’hindouisme, le bouddhisme, l’Islam. Déçu par l’implacable loi du Karma, qui ne lui permet pas de savoir sous quelle forme renaîtrait sa mère et son frère décédés à peu d’intervalles, il se décide à mettre fin à ses jours. Il n’a que quinze ans. Avant de passer à l’acte, il prie pendant une heure, implorant la divinité de se manifester, mais en vain. Il n’est pas question pour lui de prier le Dieu des Chrétiens : c’est une religion enseignée par des étrangers venus corrompre son peuple.
D’ailleurs, un jour, saisi de colère, il a déchiré et brûlé un exemplaire de la Bible. « Il se passa alors quelque chose à laquelle je ne m’attendais pas : la chambre fut emplie d’une merveilleuse lumière qui prit la forme d’un globe et je vis un homme glorieux debout au centre de cette lumière. Ce n’était pas Bouddha, ni Krishna, c’était le Christ. Durant toute l’éternité, je n’oublierai pas Sa face glorieuse, si pleine d’amour, ni les quelques mots qu’Il prononça : « “Pourquoi Me persécutes-tu ? Je suis mort pour toi, pour toi J’ai donné ma vie, Je suis le Sauveur du monde. “ Ces mots furent inscrits comme en lettres de feu sur mon cœur. Le Christ, que je croyais mort, était vivant devant moi. Je vis la marque des clous ; j’avais été Son ennemi, mais je tombai à genoux devant Lui et L’adorai. Là, mon cœur fut empli d’une inexprimable joie et d’une paix merveilleuse, ma vie fut entièrement transformée. Le vieux Sundar mourut et un nouveau Sundar Singh naquit, pour servir le Christ. »
Dès lors il décide de consacrer sa vie au Christ. Sa famille le chasse pour avoir renié la tradition de ses ancêtres. Il devient disciple itinérant, adoptant pour la circonstance le genre de vie et le costume safran du sâdhu. Baptisé dans l’Église anglicane, le 3 septembre 1905, il consacre les premières années de son ministère à voyager en Inde, à travailler dans une léproserie, à faire des études de théologie. En 1918, il élargit son champ d’action en partant pour la Birmanie, Singapour, la Chine et le Japon. Il se rend deux fois en Occident : en 1920, il visite la Grande-Bretagne, les États-Unis, ainsi que l’Australie. En 1922, il revient en Europe. Dans tous ces pays, il tient des conférences d’évangélisation dans des églises de traditions différentes. Il se rend aussi en Terre sainte. Il regagne ensuite l’Inde et le Tibet où il est persécuté, emprisonné, malade, sans que cela ne le décourage dans son apostolat. Parti de Sabathu le 18 avril 1929 pour un dernier voyage d’évangélisation au Tibet, il n’en reviendra pas. De nombreuses recherches seront faites, deux missionnaires anglais suivront même sa trace jusqu’à un col de plus de 5 000 mètres d’altitude, mais en vain. Le sâdhu Sundar Singh disparait ainsi, à l’âge de 39 ans.
… par Pierre, Jacques et Jean
Pierre, Jacques et Jean ont aussi contemplé la face ineffable de Jésus à la Transfiguration. Pierre en est si transporté qu’il souhaite que cette expérience soit éternelle : « Rabbi, il est bon que nous soyons ici ! Dressons donc trois tentes : une pour Toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » (Mt. 9, 5) L’humanité transfigurée de Jésus […] a tant de charmes que Pierre s’efforce, par ses prières, d’obtenir la prolongation de ce bonheur », dit S. Bède.
… par les Chrétiens ?
L’expérience du sâdhu Sundar Singh, l’expérience des disciples à la Transfiguration est-elle une expérience fondamentale que nous devons tous faire ? C’est la question que pose la Transfiguration.
1. Jésus…
… est le tout suffisant
Pour le Père des cieux, seul compte l’attention que nous portons au Christ. La Transfiguration s’achève sur ces paroles solennelles du Père : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le. » (Mc. 9, 7) Le Père des Cieux ne peut pas donner plus que Jésus. « Lui seul, car en Lui … vous trouverez bien plus que tout ce que vous désirez et demandez », fait dire S. Jean de la Croix au Père des Cieux. (La Montée du Carmel, Chap.2, 20)
…fatigue l’Europe
Or, l’Occident, dit le sâdhu Sundar Singh, est fatigué de Celui qu’il croit connaître. « Il y a une raison pour laquelle je suis heureux d’être né en pays païen : c’est que, lorsque les religions de là-bas ne m’ont plus satisfait, j’ai cherché autre chose et je L’ai ainsi trouvé, Lui, mon Sauveur. Tandis que dans les pays chrétiens, on L’a toujours connu. On reste indifférent… et c’est la pire des ignorances. »
… et nos soucis
L’autre obstacle à la découverte du Christ, selon le sâdhu, c’est nos soucis : « Dans mes voyages en Occident, j’ai trouvé les gens si occupés par leur travail, leurs affaires, leur bureau, leur commerce, qu’ils n’ont plus de temps pour prier et recevoir les bénédictions de l’Évangile. »
2. La rencontre du Christ…
… empêchée par l’accoutumance
« Ecoutez-le », nous demande le Père des Cieux. Les racines qui expriment l’écoute dans la Bible sont au nombre de deux et expriment non seulement l’idée d’entendre, d’écouter, d’obéir, mais aussi d’apprendre. Sur la Sainte Montagne, les trois disciples doivent apprendre quelque chose, ou plutôt découvrir quelqu’un, Jésus. « Celui-ci est mon Fils Bien-aimé, écoutez-le. » Comme pour nous, Jésus est devenu si familier que les disciples sont en danger de croire qu’ils Le connaissent. Il faut que le Père céleste les mette dans des conditions très particulières pour que cet immense danger de l’accoutumance soit écarté. Comme le dit avec justesse Sundar Singh, en parlant de la Transfiguration : « Témoins de Ses miracles, ils avaient entendu les paroles merveilleuses que personne n’avait prononcées avant lui, mais il fallait davantage encore pour les courber dans l’adoration. […] Il leur était absolument nécessaire d’abandonner leurs occupations quotidiennes pour contempler dans la solitude calme de la montagne la gloire transcendante de la personnalité divine du Christ. »
… empêchée par l’aveuglement
Hélas, même cette expérience si extraordinaire ne suffira pas à leur faire écouter le Christ. En effet, les disciples sont très égocentrés. Bientôt ils se disputeront pour savoir « qui [est] le plus grand » d’entre eux. (Mc. 9, 34) Ils sont une pierre que l’eau ne peut pénétrer. « Beaucoup de Chrétiens ressemblent à [la] pierre : ils sont dans l’Eglise, mais Dieu n’est pas en eux. Ce n’est pas la faute de l’eau, mais celle de la pierre qui est trop dure. […] Nous posséderons la joie vraie si le Christ est en nous et nous en Lui, non plus comme la pierre dans l’eau, mais comme l’éponge. L’éponge est dans l’eau et l’eau est dans l’éponge, ce sont deux choses qui sont et qui restent différentes, mais qui n’en forment plus qu’une. »
…permise par la solitude
Jésus « prend avec lui » Ses trois disciples « à l’écart », et Il les emmène « seuls ». Cette expérience de la solitude avec Jésus était indispensable. Le sâdhu était un grand ami de la solitude. Elle est aussi indispensable au Chrétien. Jésus nous le fait comprendre par Son initiative. Dans la solitude :
- Nous nous construisons. Maître Eckart, un grand spirituel dominicain, recherche la solitude pour se construire : « L’homme ne peut acquérir (l’intelligence spirituelle) par une attitude évasive… au contraire, (il lui faut faire) l’apprentissage d’une solitude intérieure où qu’il se trouve et en quelque compagnie que ce soit. »
- Nous croissons en amour. C’est la raison du choix de la solitude par un S. Jean de la Croix : « O Verbe, Mon Epoux, dans le centre et le fond de mon âme, en laquelle Tu demeures seul, en secret et en silence, comme son seul Seigneur, comme en Ta maison… avec combien de délicatesse Tu me rends amoureux de Toi et affectionné à Ton service ! » (Vive flamme, Str. 4, déclaration 3)
- Nous écoutons Dieu. Edouard Poppe, un saint prêtre Belge, écrit : « Je me retirerai seul avec Jésus ; là je ferai silence, en moi et autour de moi, déposant tout souci étranger : et je pourrai écouter… Tu pourras parler, Jésus. Ce rendez-vous sera mon réconfort et ma sauvegarde au milieu d’une société bruyante. Tu le désires, je le désire aussi. Qui pourrait nous empêcher d’habiter et de vivre ensemble ? » (Edouard Poppe, La dure Montée, P. Martial Lekeux, éd. Centro Don Poppe, Rome, 1979, pp. 75-76)
- Nous dilatons nos cœurs. Charles de Foucauld recherche la solitude pour une dilatation : Il fait parler Jésus : « Devant Moi, dans la solitude et le silence du Tabernacle, étudies, lis ; tu es seul, porte close avec Moi et Mes saints parents, et ta mère sainte Magdeleine : dilate-toi à Mes pieds… » (Paul Lesourd, La vraie figure du P. Ch. de Foucauld, éd. Flammarion, 1933, p.105)
La solitude…
… un don à Dieu
La solitude chrétienne est un don à Dieu. Elle dit : « Je veux créer un vide pour Toi …parce que sans Toi, n’est-ce pas vraiment le vide ? » « Le solitaire chrétien ne recherche pas la solitude simplement comme une atmosphère… comme un moyen favorable pour obtenir l’objet de ses désirs (mais) comme l’expression de son don total à Dieu… un don de lui-même. » (Les chemins de la joie, Thomas Merton, éd. Plon, 1961, p.107)
… un don de Dieu
La solitude chrétienne est un don de Dieu, qui permet de découvrir Jésus : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-Le.» (Mc. 9,7)
Prions : « Seigneur, Tu veux, en ce temps de Carême que nous T’entendions. Donne-nous de savoir T’offrir un temps quotidien de solitude pour cela. Amen.»
Question : Quels sont vos lieux et moments de solitude ?
Suggestion : Retrouver une discipline de solitude et d’oraison.
Oraison jaculatoire : « Je marcherai en présence du Seigneur sur la terre des vivants. »
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.