La foi parfaite

Homélie pour la solennité des Rameaux, Année «A», Mt.26, 14-66

Introduction : La foi…

… d’Anne et Joachim 

D’après la tradition transmise par l’Eglise Orthodoxe et certains mystiques Catholiques, S. Joachim, père de Marie, descendait du roi David. Dieu avait promis au saint roi que naîtrait de ses descendants le Sauveur du monde. Anne, mère de Marie, descendait de la Tribu de Lévi par son père, et de la tribu de Judas par sa mère. Les époux vivaient à Nazareth de Galilée. Ils n’eurent point d’enfant jusque dans leur vieillesse et en étaient affligés. Il leur fallait supporter le mépris et les moqueries, car l’infécondité était considérée comme une honte. Ils ne murmuraient pourtant jamais,  mais priaient Dieu avec ferveur, mettant humblement leur confiance en Lui. Lors d’une grande fête, les dons que Joachim voulait offrir à Jérusalem comme une offrande à Dieu, ne furent point acceptés par le Prêtre Ruben, qui considérait qu’un homme sans enfant n’était pas digne d’offrir un sacrifice à Dieu. Cela attrista fort le vieillard qui se considérait comme le plus pécheur des hommes. Il décida de ne pas rentrer chez lui, mais de s’isoler dans un endroit désert. Lorsque S. Anne apprit quelle humiliation son mari avait endurée, elle supplia Dieu dans la prière et le jeûne de lui accorder un enfant. Dans sa solitude, Joachim fit de même. La prière du saint couple fut entendue. L’archange Gabriel leur apparut et leur annonça qu’une fille naîtrait d’eux, qui serait la bénédiction de tout le genre humain. Obéissant aux instructions du messager céleste, saint Joachim et Anne se réunirent à Jérusalem. Selon la promesse divine, Anne enfanta Marie, la Mère de Dieu. S. Joachim mourut quelques années plus tard, à l’âge de 80 ans, après l’entrée au Temple de sa fille bénie. S. Anne décéda à l’âge de 70 ans, deux ans après Joachim.                                                                                                                                      

… de Jésus 

La vie de Jésus est aussi un chemin étroit. Il consent, de toutes Ses forces, à une volonté divine quasi impossible à la nature d’accepter. Comme la tentation de la fuite devait être grande !

…de la foule

Dans le récit que nous venons d’entendre la foule est en pleine effervescence. Elle est remplie de joie : « A mesure que [Jésus] avançait, les gens étendaient leurs vêtements sur le chemin. Déjà Jésus arrivait à la descente du mont des oliviers, quand toute la foule des disciples, remplis de joie, se mit à louer Dieu à pleine voix pour tous les miracles qu’ils avaient vus. » (Lc. 19, 37) Jésus approuve cette joie : « Je vous le dis, si eux se taisent, les pierres crieront. » (Lc. 19, 40)

Pourtant, Jésus sait que, dans quelques heures, ceux-là mêmes qui se réjouissent, pleureront. Jésus sait que, dans quelques heures, ceux-là mêmes qui se réjouissent, seront désemparés, et ils le seront si bien qu’ils L’abandonneront. Ils auront perdu la joie de leur foi et la foi elle-même.

… quelle foi

Si Jésus approuve nos moments de joie légitimes, Il sait aussi nous conduire à une foi qui ne s’appuie pas seulement sur les gratifications qu’elle peut donner. Aussi la question de ce jour est de savoir comment Jésus veut nous préparer à une foi plus profonde que la foi gratifiée par des miracles.

1. Le règne…

… perçu par la foule

La foule criait: « Hosanna au fils de David ! » (Mt. 21, 9) C’était sa façon de crier qu’Il était le Messie et qu’elle espérait bien qu’Il allait prendre le pouvoir, chasser l’envahisseur Romain et régner, comme David, sur tout Israël. La foule certes se trompait sur la messianité de Jésus, mais elle se trompait moins que les Pharisiens. Il était bien le Messie, et c’est pourquoi Jésus loue cette manifestation d’enthousiasme. Cette foule a la foi.

… perçu intuitivement

Il y a un instinct chez la foule quelquefois plus sûr que ceux qui gouvernent. Les religieux de l’époque ne perçoivent rien de la messianité de Jésus. La foule ne connaît peut-être pas l’oracle des Prophètes annonçant que son « Roi vient à [elle], modeste. [monté] sur une ânesse, et un ânon, petit d’une bête de somme », (Is. 62, 11, Za. 9, 9) mais, instinctivement, elle voit en Jésus le Roi. Si rien ne le laisse deviner, en raison de la modestie de Son entrée dans la Ville sainte, la foule pressent ce que les orgueilleux n’ont pas su voir.

… perçu par la foi

En d’autres termes, la foule a, ce que les théologiens appellent « l’instinct de la foi », un instinct que les Pharisiens n’ont pas.

mis en doute

Hélas, cette ferveur, cette foi ne durera pas : ni dans la foule, ni chez ses plus proches disciples. Jésus l’avait annoncé à Ses disciples : « Vous tous, vous allez succomber à cause de Moi, cette nuit-même. Il est écrit en effet : “Je frapperai le pasteur, et les brebis du troupeau seront dispersées. “ » (Mt. 26, 31)

2. Du commencement de la foi, à la foi parfaite…

La foi des disciples avait sa source dans leur amour pour Jésus qui avait tant fait pour eux. « Le commencement de la foi est dans l’amour (in affectione) ». Ils avaient un « certain désir » (S. Thomas d’Aquin, De veritate, Q. 14 a. 2 ad 10)  de Jésus parce qu’ils en avaient reçu Ses bienfaits.

Mais il est trois éléments que la foule et les disciples avaient oublié de cultiver pour garder la foi :

  1. Le premier, c’était de se rappeler des signes si nombreux que le Seigneur leur avait donnés pendant Ses trois années de vie publique, l’un des plus éclatants étant la résurrection de Lazare qui avait eu lieu quelques jours avant. Cette foule était oublieuse, elle ne faisait pas mémoire des bienfaits reçus. Jésus l’enseigne pourtant à Ses disciples, alors qu’Il leur dit de se méfier du « levain des Pharisiens et des Sadducéens ». Les disciples pensent que Jésus leur reproche d’avoir oublié de prendre du pain. A quoi Jésus leur répond : « Gens de peu de foi, pourquoi faire en vous-mêmes cette réflexion que vous n’avez pas de pains ? Vous ne vous rappelez pas les cinq pains pour les cinq mille hommes, et le nombre de couffins que vous en avez retirés ? ni les sept pains pour les quatre mille hommes, et le nombre de corbeilles que vous en avez retirées ? Comment ne comprenez-vous pas que Ma parole ne visait pas des pains ? » (Mt. 16, 8-10)
  2. Le deuxième, plus subtile, mais plus essentiel encore, était de se confier « à la lumière que dispense mystérieusement dans le secret de l’âme le Témoignage infaillible de Dieu». (E. Schillebeeck, Vivre de la foi, éd. Beauchesne, 1966, p. 219)
  3. La troisième, était de ne pas avoir peur de la voie étroite.
  4. Le Seigneur avait multiplié les avertissements à Ses disciples sur l’étroitesse de Sa voie propre: « Voici que nous montons à Jérusalem, et le Fils de l’homme sera livré aux grands prêtres et aux scribes ; ils Le condamneront à mort et Le livreront aux païens pour être bafoué, flagellé et mis en croix ; et le troisième jour, Il ressuscitera. » (Mt. 20, 18)
  5. Il avait aussi annoncé que cette voie étroite était la voie commune de Ses disciples. « Si quelqu’un veut venir à Ma suite, qu’il se charge de sa croix, et qu’il Me suive. » (Mt. 16, 24)

Conclusion : La faveur d’une foi qui ne tremble pas suppose…

La faveur d’une foi qui ne tremble pas suppose encore :

  • L’habitude de la prière profonde. Anne et Joachim ont eu la promesse d’une naissance. Ils sont âgés maintenant, mais plutôt que de douter, l’épreuve de Joachim enfonce le couple dans une prière plus profonde encore, où tous deux, quoique séparés, seront éclairés de la même manière : ils doivent se rendre à Jérusalem, la ville sainte. C’est là, par un dessein merveilleux de Dieu, que la conception de Marie se fera.
  • L’habitude de la méditation. Au pied de la croix se trouvent ceux qui ont le plus médité la Parole de Jésus :
    • Marie, qui, nous dit l’Ecriture, « conservait avec soin toutes ces choses, les méditant dans son cœur ». (Lc. 2, 20)
    • Marie-Madeleine qui se plaisait aux pieds de Jésus. « Marie, s’étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait Sa parole. » (Lc. 10, 39),
    • Jean, l’apôtre bien-aimé, qui repose « sur la poitrine de Jésus » et qui en obtient les secrets. (Jn. 13, 25)

Tous les disciples auraient pu se retrouver là, au pied de la croix, si chacun avait veillé à « une assimilation de plus en plus personnelle et aimante, un attachement intérieur » (E. Schillebeeck, ibidem, p. 221) à ce que Jésus avait enseigné. Marthe prend si vite le dessus sur Marie.

  • L’habitude du consentement immédiat à la volonté divine.
  • Anne et Joachim jamais ne se plaignent. L’épreuve de l’humiliation subie par Joachim est une raison supplémentaire, non de se plaindre, mais de s’humilier sous la main puissante de Dieu et de rechercher plus encore Sa volonté dans le désert.
  • Jésus aussi ne se plaint pas. Il demande simplement la faveur de ce que le Calice s’éloigne de Lui, mais pour ajouter tout aussitôt qu’Il veut, plus encore, faire la volonté du Père. (Mt. 26, 43)
  • Jacques en avertira ses lecteurs : « La foi sans les œuvres est morte. » (Jc. 2, 16.26) Pour Joachim, pour Jésus, « tout devient exercice de la foi et tout devient croissance de la foi ». (E. Schillebeeck, ibidem, p.225) Il en est de même pour nous : si toute la trame de nos vies sert à croître dans la foi, il sera moins difficile d’accepter le rendez-vous de la croix.

Prions : « Seigneur, permets que cette Semaine Sainte soit l’occasion de croître dans cette foi parfaite que Tu attends de nous. Amen.   »

Oraison jaculatoire : « Que Ta volonté soit faite ! »

Question : Qu’est-ce que la foi des commencements et la foi parfaite ?

Suggestion : Vivre les trois jours Saints que cette Semaine nous propose.

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A propos Geoffroy de Lestrange 75 Articles
Le père de Lestrange, curé dans le monde rural, a fait ses études supérieures aux États-Unis. Il y a découvert le Renouveau charismatique catholique ainsi que les églises évangéliques. Bénédictin, puis profès simple chez les frères de Saint-Jean, il a découvert par ces contacts divers, l'importance de la prière pour une nouvelle Pentecôte dans l'Église, souhaitée par tant de papes.

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