L’appel de Dieu …
… sourd dans le coeur
« Viens et suis-Moi » dit Jésus à Ses disciples. (Lc. 18, 22) Cela semble brutal, mais en fait, suivre Jésus ne se passe pas aussi soudainement que cette formule le laisse à penser. Alors, comment cela se passe-t-il ? Le Pape François l’explique, d’une manière concrète, dans sa convocation au « Synode » de 2018. Il y invite les jeunes à s’exprimer librement sur « leurs projets, leurs rêves, leurs désirs pour leur vie, ainsi que des difficultés qu’ils rencontrent pour réaliser leur projet au service de la société ». (Journal La Croix, 16.01.17, p.3) Oui, tout commence, non pas par un appel brutal de Jésus, mais par un désir qui sort du cœur. Ainsi :
- Mère Marie Kingbo, sur la chaîne KTO, racontait qu’après avoir suivi un cours à Paris sur l’Islam, au Centre Sèvres, elle se sentit appelée à quitter son Sénégal natal où elle était religieuse depuis quarante ans, pour fonder, au Niger, une communauté internationale, au service d’un pays quasiment totalement musulman. Un appel dans l’appel, en quelque sorte.
- Daniel Pittet, lui, a reçu l’appel d’être « initiateur ». Un initiateur, c’est une personne qui a des idées, mais qui est incapable de les réaliser. Aussi choisit-il les gens les plus compétents pour les mettre en œuvre. Daniel est au service de tous les projets caritatifs les plus fous, comme un CD qui deviendra disque d’or en Suisse, avec les chants des Chartreux de la Val Sainte, pourtant très mauvais chanteurs ! (Des professionnels ont chanté leurs mélodies à leur place). Les bénéfices ont été distribués à une association s’occupant d’enfants pauvres en Bolivie.
- Martin Steffens, philosophe, a reçu l’appel du professorat et de l’amour au quotidien. « Le Chrétien est celui dont la vocation est ici et maintenant, dans sa famille, avec l’épouse que l’on a, avec les enfants que l’on a, avec le métier que l’on a », écrit-il.
- Amaury Guillem a reçu l’appel à vivre au cœur des cités Nord de Marseille, parce qu’il était trop heureux là où il était, avec sa femme, au pays Basque !
- Laurent de Chérisey, un de mes neveux, a reçu l’appel de s’occuper des handicapés moteurs cérébraux. Il a fondé pour cela l’association Symon de Cyrène qui a déjà en France, sept lieux de vie pour les handicapés et un premier groupe à l’international, au Canada. Cet appel a surgi lentement à la suite d’un accident de la route de sa sœur Cécile, la rendant handicapée moteur cérébral.
…de Jésus
Jésus aussi a ressenti un appel. « En entrant dans le monde, le Christ dit : “Tu n’as voulu ni sacrifice, ni offrande ; mais Tu m’as façonné un corps. Tu n’as agréé ni holocaustes, ni sacrifices pour les péchés. Alors J’ai dit : “Voici, Je viens, car c’est de Moi qu’il est question dans le rouleau du livre, pour faire, ô Dieu, Ta volonté. » (He. 10, 5-7)
… à s’anéantir
On apprend, dans ce magnifique passage, que l’appel ressenti par Jésus était de « ne pas retenir jalousement le rang qui l’égalait à Dieu », mais de s’anéantir, en « prenant condition d’esclave, et [en] devenant semblable aux hommes ». Plus encore: de s’humilier jusqu’à obéir à Dieu « en mourant sur une croix ». (Ph. 2, 6-8)
… à éclairer
L’évangile d’aujourd’hui explique la raison positive de ce choix. Il voulait accomplir la parole prononcée par le prophète Isaïe : faire lever la lumière « sur ceux qui habitaient dans le pays de l’ombre de la mort ». (Mt. 4, 16)
… à provoquer à la conversion
Concrètement, cette mission passe par un appel à tous : « Convertissez-vous ». (Mt. 4, 17)
… pour moi ?
Aussi, toute la question de cet Évangile est de comprendre en quoi consiste cet appel à la conversion. En quoi consiste, au juste, la conversion ?
1. Le temps de l’épreuve…
… de Zabulon et Nephtali
« Dans un premier temps, le Seigneur a couvert de honte le pays de Zabulon et le pays de Nephtali. » (Is. 8, 23) Zabulon et Nephtali étaient dans l’épreuve, accablés, sans comprendre leur sort.
… de Cécile et de sa famille
Je me rappelle encore, -je faisais alors un camp scout- l’appel de ma famille, lorsque ma nièce Cécile eut ce grave accident qui devait la conduire dans de longues semaines de coma. Les médecins étaient très pessimistes sur son avenir. Venu la visiter, je lui disais, alors qu’elle avait les yeux ouverts : « Cécile, je vais dire avec toi le “Notre Père“. Quand tu entendras la prière, tu fermeras les yeux. » Au moment où j’élevais la voix pour prier, elle ferma les yeux. Son encéphalogramme plat ne signifiait pas que son cerveau ne réagissait pas… Puis ce furent les efforts herculéens d’une mère pour rendre sa fille à la vie. Aujourd’hui, bien que dans une chaise roulante, Cécile parle, a une vie sociale, sourit, échange. Enfin, vint le temps du fruit : les familles se rencontraient dans un local. Une association se créait, puis deux, puis trois. « Une lumière resplendissait » (Is. 9, 1) pour ces handicapés et leurs familles.
2. Le temps de la lumière…
… un temps critique
La lumière succède aux ténèbres. Pourtant, un moment critique existe où l’homme peut préférer rester dans les ténèbres. « Ne suis-je pas bien dans ma congrégation ? » pouvait se dire Mère Marie Kingbo. « N’ai-je pas assez à faire avec mes six enfants et mon métier ? Qu’ai-je à m’embarrasser d’appels impossibles ? » pouvait se dire Daniel Pittet. « Ne vais-je pas mettre mes enfants en difficulté ? » pouvait se dire Amaury Guillem. « Le professorat, la famille, est-ce à ma hauteur, moi brillant philosophe, demandé de partout ? » peut se dire Martin Steffens. « Mes cinq enfants et mon travail qui me rapporte tant d’argent, vais-je l’abandonner pour l’entrepreneuriat social ? » aurait pu se demander Laurent de Chérisey. Tous ont entendu l’appel : « Convertis-toi. »
… un temps qui signifie quoi ?
Que signifiait pour eux la conversion ? Etait-ce abandonner une vie de péché ? Non. C’était se mettre au service d’autrui au lieu d’avoir une vie centrée sur soi.
- Pierre menait une vie tranquille de pêcheur avec André son frère, mais non une vie de péché. Alors que Jésus les appelle, ils sont simplement en train de jeter « leurs filets dans la mer ». (Mt. 4, 19)
- Jacques et Jean, quant à eux, sont en train de réparer leurs filets, mais à l’appel de Jésus ils laissent l’ouvrage à leur père : « Aussitôt, laissant leurs filets, ils Le suivirent. » (Mt. 4, 22)
- Martin Steffens reçoit l’appel à se convertir sans changer un iota à sa vie, du moins, extérieurement : il enseigne, comme il a enseigné hier. Il s’occupe de ses enfants, comme il s’en est occupé hier.
… un temps d’abandon
Que signifie pour ces hommes la conversion ? Est-ce abandonner leur métier ? Pas nécessairement. La conversion signifie pour eux abandonner au message de Jésus et en vivre. Soit qu’ils continuent un professorat, comme Martin Steffens, soit qu’ils passent leurs loisirs à aider autrui, comme Daniel Pittet, soit qu’ils risquent une vie dans des HLM où ne vit aucun Français, comme Amaury Guillem, etc… « Une âme sanctifiée (ou convertie) peut être un artiste ou un musicien, […] Elle exprime le message de Dieu par l’intermédiaire d’un moyen particulier. Tant que l’artiste ou le musicien imagine qu’il peut consacrer ses dons artistiques à Dieu, il s’illusionne lui-même. L’abandon de nous-mêmes est l’essence de la consécration, il ne s’agit pas de présenter nos dons, mais de nous présenter nous-mêmes sans réserve [au Christ] », écrit Oswald Chambers. Voilà ce que signifie : « Suis-Moi. »
Conclusion : La violence …
… d’un nouveau désir
Dans l’appel de Jésus, on l’a bien compris, il y a une violence. Jésus met au cœur un nouveau désir. La fondatrice des Sœurs de la Charité de Calcutta, Mère Térésa, ne pouvait se défaire de cette voix intérieure qui l’appelait à quitter sa Congrégation enseignante pour aller aux plus pauvres. Cette même « violence » a agi dans le cœur d’une Mère Marie, d’un Daniel, d’un Martin, d’un Amaury, d’un Laurent. Mais de même que le nouveau désir est violent, il faut se faire violence pour le suivre, comme le dit Jésus Lui-même : « Le Royaume de Dieu souffre violence, et des violents s’en emparent. » (Mt. 17, 12)
… à l’égard de soi
Quand Jésus dit : « Convertis-toi », Il demande à ce que nous nous fassions violence :
- En se rendant capable d’entendre le désir qu’Il suscite dans nos cœurs. Ce désir peut être étouffé, comme l’explique si bien la parabole du Semeur (cf. Mc. 4), par l’inattention, la distraction, les soucis de la vie, etc.
- En faisant un premier pas pour réaliser le désir que l’on porte au cœur.
As-tu entendu le désir profond de ton cœur ? Y as-tu répondu en faisant un premier pas ? Sais-tu aussi entendre les « petits appels » quotidiens que Jésus te fait ?
Prions : « Seigneur, convertis-moi : donne-moi d’entendre Tes désirs. »
Oraison jaculatoire : « Me voici, Seigneur, pour faire Ta Volonté. »
Question : En quoi consiste la conversion ?
Suggestion : Discerner les désirs que Jésus a sur moi, aujourd’hui.
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.